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PROLOGUE

 

 

 

 

– Ry ?

J’arrive en haut des marches avec, à la main, le petit mot qu’elle m’a laissé sur le plan de travail de la cuisine : « Ta soirée rien-d’autre-entre-nous-que-les-draps débute à cet instant. » La curiosité domine mes pensées et déclenche mes actions.

Enfin ça, plus le fait que je l’imagine nue en train de m’attendre. Je dois dire que j’ai eu une journée de merde, alors c’est peut-être trop demander, mais il faudrait un miracle de cette nature pour changer le cours des choses. On peut toujours espérer, bordel.

La musique de SoMo me parvient quand j’arrive sur la terrasse supérieure de notre maison, où a eu lieu notre première soirée rien-d’autre-entre-nous-que-les-draps, il y a des années.

Bon Dieu. Je trébuche en voyant Rylee. Elle est allongée sur une chaise longue, vêtue d’un petit truc de dentelle noire auquel je ne prête qu’une attention distraite parce que c’est suffisamment transparent pour que je puisse dire qu’elle est nue comme un ver en dessous. Ses cheveux sont remontés sur le sommet de sa tête, elle ne porte pas de rouge à lèvres, elle a les genoux écartés et ses pieds sont posés de part et d’autre de la chaise. Tout à mon effort pour tenter d’apercevoir le petit quelque chose en plus entre ses cuisses, je ne vois pas tout de suite les talons de quinze centimètres qui complètent sa tenue. Putain. Je sens déjà la pointe de ces talons se planter dans mon cul quand ses jambes se refermeront autour de moi.

– Salut.

Sa voix rauque agit directement sur mon cœur, sur ma bite et sur toutes les terminaisons nerveuses entre les deux. Un petit sourire timide relève les coins de sa bouche, elle plisse les yeux, tape du bout du pied et hausse les sourcils.

– Je vois que tu as trouvé mon petit mot. Ravie que tu aies su où me trouver.

– Bébé, même si j’étais sourd et aveugle, je saurais toujours te trouver. Je ne risque pas d’oublier cette soirée-là.

– Ni ce matin-là.

Bon sang, elle a raison. Un bon Dieu de matin, aussi. Du sexe ensommeillé. Du sexe dès le réveil. Du sexe au lever du soleil. Je pense que nous avons tout essayé, et même plus que ça. Et j’adore le rouge qui lui monte aux joues quand elle y repense. Ma petite femme-chatte, qui m’accueille en dentelles et talons aiguilles quand je rentre du boulot, est gênée.

Je ne manque pas de relever l’ironie de la situation, et j’adore ça. J’adore qu’elle puisse être comme ça pour moi, quand je vois qu’en dépit de son assurance, ça continue de la troubler.

– Oui, on peut dire, sans l’ombre d’un doute, que c’était un bon matin.

Je la contemple. Elle est toujours d’une beauté renversante, mais il y a quelque chose de nouveau,quelque chose de changé chez elle ce soir, et ça n’a rien à voir avec la dentelle. Je ne saurais dire ce que c’est, mais ça me coupe le souffle.

Putain, qu’est-ce que j’ai manqué ? La panique se faufile en moi à l’idée d’avoir oublié quelque chose d’important. Est-ce que ça pourrait être une de ces dates que les mecs doivent noter dans leur agenda avec cinq alertes pour ne pas les oublier ? Je parcours mentalement la liste des plus courantes : ce n’est pas notre anniversaire de mariage. Ni son anniversaire. Je passe aux autres trucs que les mecs ne remarquent généralement pas. Elle n’a pas changé de couleur de cheveux. Sa lingerie est neuve, peut-être ? C’est ça ? J’en sais rien, putain ! Si c’est ça, je me demande si un chiffon de dentelle pourrait suffire à changer son attitude ?

Bon Dieu. C’est sûr que la lingerie peut me faire cet effet, mais c’est pour d’autres raisons.

Qu’est-ce que ça pourrait être d’autre, Donavan ? Ravale ton orgueil et demande-le lui, tout simplement. Épargne-toi le jeu des devinettes et les conséquences fâcheuses au cas où tu la vexerais en tombant à côté de la plaque. Inutile de semer de nouveau la pagaille dans ses hormones alors qu’elle vient tout juste d’en reprendre le contrôle après toutes ces années de traitement contre l’infertilité.

– Tu as quelque chose de changé...

Je ne termine pas ma phrase pour qu’elle puisse réagir. Mais, bien sûr, elle ne mord pas à l’hameçon. J’aurais dû savoir que ma femme est plus maligne que ça. Elle ne va pas me faciliter les choses, alors nous nous contentons de nous dévisager dans une confrontation de nos volontés avant que son sourire s’élargisse lentement.

Donne-moi un indice, Ry.

Rien à faire. Elle ne va pas m’aider. J’aurais dû m’en douter. Je ferais aussi bien d’admirer la vue : le décolleté, la dentelle, toute cette peau nue, et ces cuisses entre lesquelles je meurs d’envie de me glisser. Le sourire sur son visage me dit clairement qu’elle sait exactement ce que je suis en train de faire, quand je finis par rencontrer son regard. Quand ses yeux se dirigent vers la table à côté d’elle, je comprends qu’elle me donne finalement un point de départ.

La table est couverte de cartons de plats à emporter venant de notre restaurant chinois préféré. Des goulots de bouteille sortent d’un seau à glace en métal argenté à côté duquel sont posées des assiettes en carton et des baguettes chinoises. À vrai dire, j’étais si occupé à la regarder que je n’avais même pas remarqué la nourriture.

Mais, à présent, mon estomac réclame.

– J’ai pris ton plat préféré.

Elle joue avec son ourlet de dentelle si bien que mes yeux sont attirés de nouveau par le V entre ses cuisses où il fait si sombre que je ne vois rien. Ce n’est pas faute d’essayer pourtant, bordel.

– J’espère que ça te plaît de manger chinois. Je me suis dit qu’on pouvait se faire un petit plaisir.

Je ne peux pas cacher le sourire éclair qui passe sur mon visage, parce que le genre de plaisir auquel je pense n’a rien à voir avec les baguettes. Et je vois bien, d’après la moue sur ses lèvres, qu’elle sait très bien à quoi je pense. J’ai faim, d’accord, mais en ce moment je me contrefous de la nourriture, et c’est tout autre chose que j’aimerais avoir en bouche, là tout de suite.

– Je sais que tu as beaucoup de boulot et que tu es stressé par la course de la semaine prochaine. Sonoma a toujours été un peu compliqué pour toi... alors j’ai pensé t’offrir un petit dîner en amoureux avec ta chère épouse sexy.

Elle hausse les sourcils, m’aguichant et me défiant en même temps. Tout à fait excitant, bon sang !

– Mon épouse sexy croit-elle vraiment, en m’accueillant sur la terrasse dans ce genre de déshabillé, que je vais me préoccuper un seul instant du dîner, de la bière fraîche ou du coucher de soleil dont nous allons pouvoir profiter tout en mangeant ?

Je fais un pas vers elle, incapable de résister plus longtemps au désir de poser les mains sur elle.

– En hors-d’œuvre... oui.

Elle ne me quitte pas des yeux quand je franchis la distance qui nous sépare.

– J’aime bien les hors-d’œuvre.

Je tends le bras pour frôler du bout des doigts la ligne de sa clavicule. Au bout de tant d’années, il y a toujours quelque chose de sacrément sensuel dans la façon dont son corps se soumet imperceptiblement à ma caresse, me disant qu’elle me désire autant que je la désire.

– Et j’aime aussi les desserts...

Je laisse ma phrase en suspens. L’air est chargé de tension sexuelle quand je tombe à genoux sur la chaise entre ses jambes. Elle est folle si elle croit qu’après un accueil comme celui-ci, elle va s’en sortir sans se faire baiser bien avant que nous ne quittions cette terrasse.

– Mais tu as oublié une chose, très importante.

Elle écarquille ses yeux violets quand je me penche vers elle, si près que nos lèvres respectives sont à quelques centimètres sans qu’aucune autre partie de nos corps ne se touche.

– Quoi donc ?

Elle a le souffle court. Chacun de mes nerfs se met au diapason.

– Tu as oublié d’embrasser ton mari pour lui dire bonjour quand il est arrivé.

Je saisis son sourire au vol avant qu’elle ne rejette la tête en arrière si bien que nos bouches sont parfaitement alignées.

– Eh bien, laissez-moi réparer cette erreur sans attendre,

Monsieur.

Elle sait fichtrement bien que l’emploi de ce mot va avoir pour effet de m’exciter encore davantage. Bon Dieu. Comme si ça lui était difficile de faire ça. Ça, c’est Rylee, non ?

Avant que je puisse finir de penser à ce que je voudrais qu’elle fasse tout en m’appelant Monsieur, elle se penche en avant pour supprimer la distance qui nous sépare. Et putain, oui, je la veux tout entière, tout de suite, mais je prendrai ce que je pourrai. En outre, la façon dont elle m’embrasse est incroyablement sexy. C’est le genre de baiser que les mecs refusent d’admettre qu’ils adorent : le genre doux et lent qui provoque une tension tout au fond de mes couilles, pour ensuite se répandre lentement le long de ma colonne vertébrale et venir chatouiller la base de mon cou. C’est le baiser qui m’entraîne à deux doigts de perdre le contrôle et de déchirer sa culotte pour ne pas perdre de temps à l’enlever, parce que je ne désire qu’une chose, m’enfoncer dans sa chatte étroite et brûlante.

Quand elle recule pour mettre fin au baiser, je pousse un gémissement plaintif et je serre les poings pour m’empêcher de l’attraper pour la coller contre moi. Je suis prêt à envoyer promener le dîner et à oublier ma faim.

– Ça va mieux ?

Sa bouche est impertinente et son regard séducteur.

– Hum... il y a d’autres parties de moi qui demandent à être accueillies convenablement.

Je réprime le sourire que j’ai envie de lui adresser,parce que j’adore quand elle est comme ça. Bagarreuse. Sexy. Mienne. Quand elle laisse de côté sa réserve naturelle, comme elle ne le fait qu’avec moi.

– Oh, le pauvre petit mari frustré !

Elle fait une petite moue provocante en laissant son doigt courir le long de ma cuisse. Je regarde monter sa main, et ma queue voudrait vraiment que ces doigts aillent plus vite.

– Je promets de réserver un accueil spécial à toutes ces parties, mais avant... il faut que tu manges.

Rabat-joie. Sérieux ? Elle croit qu’elle peut me tenter avec ses caresses et ensuite me coller un sandwich à l’œuf dans la bouche ? Elle ne me connaît toujours pas ? Elle ne sait pas encore que, quand il s’agit d’elle, je n’ai aucune retenue ? Sauf, bien sûr, pour la retenir attachée à un lit.

– Tu me fais marcher.

Je la fixe du regard tout en lui attrapant la main que je pose exactement où je veux qu’elle soit : sur ma queue.

– Pourquoi attendre ? On peut bien commencer par le dessert.

– Bien essayé, Ace, mais le repas va refroidir.

Elle prend mes couilles dans sa paume, les éraflant du bout des ongles si doucement qu’au moment où je rejette la tête en arrière et qu’un gémissement s’échappe de mes lèvres, elle retire vivement sa main.

– Allez, à table.

– Oh ça, pour le coup, ça refroidit.

Je rigole. Qu’est-ce que je peux faire d’autre ? Comme toujours, cette femme me tient par les couilles. Je la regarde fixement en souriant, le regard incrédule, et je passe les jambes par-dessus le bord de la chaise longue.

– Tu ne peux pas m’accueillir vêtue de ce truc-là et attendre de moi que je m’intéresse à du poulet Kung Pao.

– Mais c’est ce que tu préfères, dit-elle d’une voix enjouée. D’un geste déterminé elle commence à ouvrir les barquettes.

D’accord j’ai faim, mais d’autre chose que de cuisine chinoise.

Je tends le bras et je l’attire contre moi, son dos contre ma poitrine, et la chaleur de son corps contre le mien renforce ma résolution. J’ai décidé que la cuisine chinoise est bien meilleure réchauffée, parce que c’est exactement ce qui va arriver à la nôtre.

– Permets-moi de ne pas être d’accord. C’est toi que je préfère.

Je murmure dans le creux de son épaule, et ses boucles viennent chatouiller ma joue tandis que son parfum à la vanille emplit mes narines. Ma femme, qui tient toujours tellement à respecter le programme prévu, se raidit au départ, mais quand je pose un baiser juste sous son oreille, dans cette zone qui la fait immédiatement réagir, son corps fond contre moi et elle se détend.

– Je veux commencer par le dessert.

– Tu es incapable de respecter les règles.

Elle soupire en entremêlant ses doigts avec les miens sur sa poitrine. Elle essaie de trouver le moyen de reprendre le contrôle alors qu’elle devrait commencer à savoir que ça ne servira à rien. J’obtiens toujours ce que je veux quand il s’agit de satisfaire mon désir d’elle.

– Tu ne m’aimerais pas sinon.

– C’est vrai.

– Et si on trouvait un compromis ?

– Un compromis ?

On dirait que ça la choque d’entendre ce mot dans ma bouche en parlant de sexe.

– Oui, je veux dire, tu lâches un peu et moi aussi.

– J’ai comme l’impression que ce que tu veux lâcher et ce que je veux lâcher, moi, sont deux choses totalement différentes. N’oublie pas que je te connais bien, Donavan. Je sais que tu aimes les coups vicieux...

– Ça, tu peux le dire, surtout quand il s’agit de faire l’amour avec toi.

Elle se contente de sourire en secouant la tête.

– Mais j’ai un plan.

– Tu as toujours un plan.

Je ris, quelque peu exaspéré.

– Tu paries que mon plan à moi est meilleur ?

– Essaye pour voir...

Elle s’arrête en réalisant ce qu’elle vient de dire. Je sens le rire qu’elle essaie de réprimer dans la vibration de son dos contre ma poitrine.

– Et si on faisait l’amour d’abord et qu’on mange ensuite ? Je sais que je la rends dingue. Son rire résonne autour de nous, mais pour la première fois depuis que je suis rentré, je perçois quelque chose de différent dans le son de sa voix. Sans me laisser le temps d’y réfléchir, elle poursuit :

– Nan. Ce n’est pas le plan. Et en tout cas, ça n’a rien d’un compromis. D’abord on mange, ensuite on fait l’amour.

Rylee s’écarte et se déplace pour me faire face. Elle croise les bras sur sa poitrine et hoche la tête, en essayant de camper sur ses positions.

– J’adore quand tu te montres exigeante comme ça.

Je me penche en avant avec un demi-sourire, sachant pertinemment que mon commentaire va l’énerver.

Elle plisse les yeux et je vois qu’elle cherche un moyen de négocier afin d’obtenir ce qu’elle veut. Or j’ai beau me creuser la tête, je ne vois pas du tout ce que c’est. J’ai été si absorbé par mon boulot – avec cette bagarre de points contre Luke Mason qui m’attend à Sonoma, et tout le bordel qui va avec – que j’ai clairement manqué quelque chose.

– On dirait que nous sommes dans une impasse.

Après un moment d’hésitation, elle a retrouvé toute son assurance et je suis tout à fait prêt pour la confrontation.

– C’est une bonne chose que je sois dur en affaires.

Je hausse les sourcils en jetant un coup d’œil à sa tenue.

Je ne vais pas me contenter de marchander, mon cœur.

– Oh, je le sais bien, Ace, mais je crois que nous allons devoir nous en remettre aux biscuits chinois pour décider de ce que nous allons faire.

Elle me regarde avec un air de défi, et je me mets à rire tellement c’est ridicule.

– Les biscuits chinois ? De quoi tu parles ?

– Eh bien... tu as dit que tu voulais commencer par le dessert, alors j’essaie simplement de trouver un compromis.

Elle me regarde en battant des cils.

– Je ne parlais pas de ce genre de dessert.

Je ne peux rien faire d’autre que secouer la tête à cette suggestion idiote, mais putain, je saisis la moindre occasion d’accélérer le mouvement pour pouvoir ralentir avec elle. Quand j’y pense, je suis sûr que je peux retourner tous ces stupides petits dictons à mon avantage. Alors allons-y. On joue, Ryles.

– C’est ridicule, mais c’est ton idée, alors c’est toi qui dictes les règles. Espérons seulement que ces prévisions vont te dire que tu as besoin de sexe torride avec ton mari.

Son visage s’éclaire et un sourire incurve ses lèvres. Elle se penche en avant pour fouiller dans le sac en plastique posé sur la table, m’offrant ainsi une vue plongeante sur son décolleté. Mon regard se concentre sur ses tétons rose foncé, visibles sous le tissu léger, jusqu’à ce qu’elle agite les cookies devant mes yeux en m’adressant un sourire plein d’arrogance.

Elle sait exactement ce qu’elle fait et elle en rajoute sans vergogne. Je tourne ma langue dans ma bouche en la laissant profiter de ce moment.

– Seulement trois ?

Elle les étale sur la table devant nous.

– Comment on va décider pour qui sera le troisième ?

– Étant donné que nous apprenons à faire des compromis... Elle s’interrompt et me donne un coup de coude dans

les côtes. Au moment où elle s’apprête à retirer son bras, je l’attrape et l’attire vers moi pour poser un baiser chaste sur ses lèvres. J’ai déjà trop attendu pour l’embrasser. Elle me repousse en me donnant une petite tape quand j’essaie de glisser ma langue entre ses lèvres.

–Tu n’essaierais pas de m’acheter pour obtenir le troisième cookie par hasard, Donavan ?

– Ça a marché ?

On peut toujours espérer.

– Allez. C’est toi qui commences.

Elle tient le cookie devant moi par le papier cellophane sans répondre à ma question. Comme je le lui prends des mains, elle se déplace pour s’asseoir en face de moi, son genou plié contre ma cuisse m’offrant une vue parfaite sur sa chatte. D’un coup d’œil, j’aperçois sa bande de poils bien épilée et, putain, je suis encore plus excité.

Je vous en prie, dieux des fortune-cookies, faites preuve de clémence.

Il me faut du sexe.

– Okay. Voyons ça.

Je sors le cookie du sachet et je le romps d’un geste théâtral, en priant pour que ce soit une prédiction que je puisse interpréter. Je sors la bande de papier et je secoue la tête en lisant ce qu’il y a écrit dessus. C’est pas vrai ! Ça ne pouvait pas mieux tomber.

Je me mets à rire.

– Qu’est-ce que ça dit ?

« La course a été longue, mais vous avez finalement franchi la ligne d’arrivée. »

Je lève les yeux, elle a l’air aussi amusée que moi.

– Je dirais que c’est une prévision tout à fait adaptée. Elle plisse les yeux en regardant les mots inscrits sur le papier.

– Je suppose que la vraie question c’est : de quelle course s’agit-il ?

La vie ?

Je hausse les épaules.

– J’en sais foutrement rien.

Elle se met à rire et s’agite avec le cookie dans la main.

Pourquoi semble-t-elle si nerveuse tout à coup ?

–Tu es en train d’essayer de trouver un moyen de ramener ça au sexe, mais je pense que ça ne t’aide en aucune façon. Merde. Elle a raison. Il n’y a rien là-dedans qui me permette de négocier pour faire passer le sexe avant le repas, parce que si j’ai déjà franchi la ligne d’arrivée proverbiale,

ça n’augure rien de bon pour moi.

– Bon sang. Celui-là est pour le repas avant le sexe. Ne sois pas trop sûr de toi, Donavan. Mais je peux me refaire.

Je pousse son cookie vers elle en mordant dans le mien. J’aimerais bien que ce jeu idiot se termine vite mais, en même temps, ça m’amuse.

– À ton tour.

Qu’est-ce que je ne ferais pas pour ma femme !

– D’accord, dit-elle en brisant son cookie et en lisant la prédiction. C’est écrit : « Vos chiffres porte-bonheur sont le six, le neuf et le seize. »

Elle lève vers moi un regard incertain en se mordillant la lèvre inférieure.

– C’est n’importe quoi. Il n’y a rien d’autre ?

Je lui prends le papier des mains. Ouaip. C’est exactement ce qui est écrit. Il doit y avoir une faute, mais bon Dieu, je le prends parce que ça peut me servir.

– Chouette ! Celui-ci préconise le sexe avant le repas, parce qu’il dit que tes chiffres de chance sont le six et le neuf... soixante-neuf. Et tu sais quoi ? Il se trouve que j’aime faire certaines choses qui se rapportent à ce chiffre, moi aussi...

– Tu es incorrigible.

Elle pousse ma poitrine pour rire avant d’agripper ma chemise dans son poing, d’une manière inattendue, pour m’attirer contre elle. Nos visages sont séparés de quelques centimètres à peine, la chaleur de son souffle passe sur mes lèvres, mais quelque chose dans son expression me retient de l’embrasser.

– Qu’est-ce qu’il y a ?

Elle secoue la tête sans répondre, en essayant de repousser les larmes qui lui montent aux yeux, démentant le sourire sur ses lèvres.

– Parle-moi, Ry. Qu’est-ce qui ne va pas ?

Je prends son visage dans mes mains et j’attends qu’elle m’explique ce qui se passe. Ses larmes me font paniquer, putain. Comment on en est arrivés là ? Tout d’abord sexy, puis aguicheuse, puis drôle, et maintenant ces larmes ?

– Je me conduis comme une idiote.

Elle secoue la tête comme pour évacuer les larmes de ses yeux. Elle doit sentir que je flippe parce qu’elle pose ses mains sur les miennes et appuie ses lèvres sur ma bouche.

– Je t’aime.

Sa voix est douce quand ses lèvres bougent sur les miennes, et quelque chose dans son ton fait accélérer le rythme de mon cœur.

– Du genre je suis folle de toi et cela me noue l’estomac... c’est tout.

Ses paroles résonnent en profondeur dans des endroits qui ne requièrent que rarement mon attention ces temps-ci : les foutus abysses où vivent les démons de mon enfance. Ceux qui régentaient ma vie avant que Rylee ne vienne, avec sa putain de perfection et son amour désintéressé, éclairer ces ténèbres et chasser le doute qui pointe son nez immonde parfois.

Je me penche en arrière pour vérifier que cette femme qui est tout pour moi va vraiment bien. Parce que si ce n’est pas le cas, je ferai tout ce qu’il faudra pour y remédier. Quand elle se mordille la lèvre inférieure, qu’elle sourit et qu’elle fait un signe de tête pour dissiper mon inquiétude, je caresse du pouce la marque que ses dents ont laissée, avant d’essayer d’alléger l’atmosphère.

–Tu m’as fait peur, un instant. J’ai pensé que la perspective d’un soixante-neuf t’avait contrariée, ce qui signifierait un bon paquet de frustration pour moi, si on pense qu’on a signé jusqu’à ce que la mort nous sépare et que j’aime assez faire ça avec toi.

– Et tu fais ça à la perfection, alors non, ce nombre reste en course, dit-elle avec un clin d’œil adorable.

Elle se mord l’intérieur de la joue et pose les yeux sur le troisième et dernier cookie que je tiens à la main avant de les ramener sur les miens.

Super ! N’empêche qu’il y a indiscutablement quelque chose qui ne tourne pas rond.

– Tiens.

Je lui tends le dernier fortune-cookie en espérant que ça compensera ce que j’ai bien pu faire de mal.

– Non. C’est toi qui l’ouvres. Retrouvant son sourire, elle le repousse.

– C’est le jeu décisif.

J’essaie de le lui mettre de force dans la main mais elle le repousse et se rassied.

– Sexe en premier. Sexe en premier.

Je psalmodie et nous gloussons tous les deux. Mais mon rire s’éteint quand je lis la prédiction totalement dénuée de sens pour moi.

« Polichinelle dans le tiroir. »

C’est quoi ce bordel ? Je le relis avant de lever les yeux vers Rylee. En la voyant – les yeux débordant de larmes et ce putain de sourire sur ses lèvres parfaites –, j’ai le souffle coupé. Et soudain, tout se met en place.

C’est comme si tout bougeait au ralenti – mes pensées, mon souffle, ma vision – tout sauf mon cœur qui, lui, bat à cent à l’heure quand je regarde les mots qui dansent sur le papier, puis elle de nouveau.

C’est impossible, putain. Ça ne peut pas être ça.

– C’est vrai ?

Je ne reconnais pas le ton d’incrédulité fascinée de ma propre voix quand je l’interroge sur la seule chose dont je pensais qu’elle ne se représenterait plus jamais à nous.

La première larme déborde et glisse sur sa joue alors que nous nous regardons fixement, mais contrairement à d’habitude, celle-ci ne me fait pas paniquer.

– C’est vrai, dit-elle dans un murmure.

Mon incrédulité laisse place à une réalité plus belle que jamais.

Polichinelle dans le tiroir.

– Tu es enceinte ?

Je n’arrive même pas à croire ce que je dis. Je l’attire vers moi et l’installe sur mes genoux.

Elle est trop émue pour parler, alors elle se contente de faire oui de la tête en laissant couler ses larmes et me serre dans ses bras. Et la sensation de ses doigts qui s’enfoncent dans mon dos est incroyable parce que je ne pense pas m’être jamais senti si proche d’elle. Pas même lorsque je suis en elle.

Une de mes mains est posée sur son cou et l’autre sur ses reins. Il n’y a pas de place pour le moindre filet d’air entre nous lorsque nous nous serrons l’un contre l’autre sur cette terrasse qui a été le théâtre de tant de premières fois pour nous. Qu’elle me l’annonce ici prend tout son sens maintenant, putain.

Mon visage est enfoui dans le creux de son cou. Et si je pensais lui avoir déjà abandonné mon cœur et mon âme, je ne pouvais pas me tromper davantage. Je ne me suis jamais senti plus lié à elle qu’en cet instant précis. Ma foutue Rylee. Je revois toutes ces années de traitement insoutenable contre la stérilité, quand nos émotions culminaient et que nos espoirs faisaient invariablement place à la déception la plus cruelle. Quand nous avons fini par admettre l’an dernier que nous ne pourrions jamais avoir un enfant par la voie normale, Rylee a perdu pied pendant un moment. Putain oui, notre mariage était en berne, mais ce qui me minait le plus, c’était de voir la femme que j’aime plus que ma propre vie sombrer un peu plus chaque jour, petit à petit,

sans pouvoir faire la moindre chose pour l’aider.

Le sentiment d’impuissance que j’ai ressenti à cette époque-là n’est plus qu’un mauvais souvenir maintenant.

Quand je recule pour tendre mes mains tremblantes vers son visage, je me dis qu’elle n’a jamais été aussi belle : les yeux pleins de vie, un sourire radieux sur les lèvres et une minuscule partie de nous deux qui grandit à l’intérieur d’elle.

– On va avoir un bébé.

Bien que je le sache déjà, l’entendre de sa bouche me coupe le souffle et fait bondir mon cœur.

– En juin, le neuf. Six. Neuf.

Putain de merde !

En fin de compte, on a vraiment fini par franchir la ligne d’arrivée que nous pensions ne jamais pouvoir atteindre.

1

 

colton

Sept mois plus tard

– Quand tu m’as invité à venir aujourd’hui, je me me suis demandé avec un peu d’inquiétude si tu n’avais pas perdu le contrôle de tes couilles, mais ça ?

Becks jette un regard circonspect à la plage vide qui nous entoure.

– C’est exactement ce que le médecin a prescrit, une vraie purge.

– Qu’as-tu fait de ta foi, mon frère ?

Je lui jette un regard à travers mes lunettes de soleil.

– Tu m’imagines dans une baby shower party ? Il maugrée en guise de réponse.

– Je peux t’assurer que mes couilles sont bien attachées. Rien au monde ne me fera m’approcher de la maison pour l’instant.

Je fais mine de frissonner en pensant à toutes ces femmes qui seraient ravies de me coller leur rouge à lèvres sur la joue.

– Une toute nouvelle définition du tourbillon d’œstrogènes.

– Tu l’as dit.

Je tape le goulot de ma bière contre la sienne.

– Et ça ne fait pas vraiment envie.

– Rien que pour ça, je pense que ça va être une fille. Il rit et je grogne, je ne vois pas le rapport.

– Mec, tu as fait marcher les nanas pendant tellement longtemps, ce serait marrant et ça te ferait les pieds, d’en voir une qui te ferait marcher pour le restant de tes jours.

D’un doigt, il se tape sur le nez pour signifier qu’elle me mènerait par le bout du nez. Cet enfoiré a probablement raison, mais je ne risque pas de le lui dire. De plus, son sourire est suffisamment mielleux pour me permettre de lui envoyer la capsule de ma bouteille de bière à la tête.

– Personne ne me fait marcher. Je peux te l’assurer. Ce mensonge fait beaucoup rire Becks.

– Je crois que tu n’as pas la moindre idée de ce qui va te tomber sur le coin de la gueule, mon frère.

Il a raison. Pas la moindre. Rien. Nada. Zéro. Tout ce que je sais, c’est que plus la date se rapproche et plus j’ai l’impression que je n’ai pas eu assez de temps pour m’y préparer. Me préparer à quoi ? À un bouleversement complet de notre existence. Ça fait flipper, putain.

– Alors, comment tu gères tout ça ?

– Le merdier devient réel, putain. Je hoche la tête lentement.

– Si on pense qu’en ce moment même une baby shower party se tient chez toi, avec des meufs qui se déguisent avec du papier toilette – pour une sorte de prière rituelle dont le sens m’échappera toujours – et qui parlent de selles qui n’ont rien à voir avec le genre qu’on pose sur le dos d’un cheval... et de couches... ouais, on peut dire que c’est réel. Mais, euh, bien essayé, Wood. Tu n’as pas répondu à ma question.

– Je vais bien.

Lâche-moi, Daniels.

– Ça fait combien de temps qu’on se connaît, tous les deux ?

Je sens qu’il va me porter le coup de grâce. J’aimerais bien savoir ce qu’il cherche, alors au lieu de lui donner la réponse qu’il connaît déjà, je décolle consciencieusement l’étiquette de ma bouteille de bière.

– Dégonflé.

Il dit ça à mi-voix pour me provoquer. Pour alimenter un feu que je préférerais ne pas allumer.

– C’est quoi ton problème, Becks ? Tu veux que je te dise que toute cette histoire de bébé me fout une trouille bleue ? Que ça me prend la tête, putain ?

Je ramasse un coquillage et je le lance sur un tas d’algues à ma droite.

– Tu te sens mieux, maintenant ?

J’ai envie de me lever et de marcher jusqu’à l’eau, de m’éloigner de lui, putain, et pourtant il me connaît tellement bien que ce serait reconnaître qu’il a gagné. Il a déclenché exactement la réaction qu’il cherchait.

Putain, comment expliquer que déjà tout est à la fois si pareil et si différent et que, pourtant, je ne voudrais pour rien au monde changer le cours des choses même si je le pouvais ? Il a sorti cette putain de camisole de force.

– Si je me sens mieux, moi ? Non. Mais je crois que toi, oui. Je le fusille du regard à travers mes lunettes de soleil.

– Tu veux en parler ?

– Non.

Il vaut mieux ne pas remuer la merde. Mais le silence me ronge et me pousse à parler. Je peux faire confiance à Becks, je le sais. Mais quand les mots se forment, ils restent coincés dans ma gorge. Un peu de courage, Donavan.

– Oui. Putain, j’en sais rien.

– Eh bien, voilà qui rend les choses plus faciles.

Il se moque de moi pour essayer de me faire rire. J’enlève ma casquette et me passe la main dans les cheveux, puis je la remets.

– Je vais avoir un gosse, Becks. Et ça me fout les jetons comme pas possible. Les couches et l’avenir et les attentes et... je ne sais quoi d’autre encore, mais je suis sûr que j’en oublie des tonnes. Qu’est-ce qui dit que j’ai l’étoffe d’un père ? Pas de n’importe quel père, d’un bon père ? Je veux dire, regarde mon enfance de merde. Je n’ai rien connu d’autre. Bordel, qu’est-ce qui me dit que, stressé et fatigué, je ne me rabattrai pas sur la seule chose que j’ai connue ?

À la fin de ma question, je crie presque et je me rends compte de ce que je viens de dire.

Reprends une bière, Donavan. Tu as l’air d’un imbécile.

Becks se met à rire. Pas n’importe quel rire, mais un rire paternaliste qui me met les nerfs à vif comme une râpe à fromage.

– À la bonne heure ! Il était temps que tu te décides à montrer que tu flippes. Je commençais à me poser des questions, parce que moi, à ta place, ça me ferait cet effet-là, putain ! Écoute, personne ne sait d’avance s’il sera un bon parent. On apprend sur le tas, si je peux dire, en faisant des erreurs et tout ça.

Il hausse les épaules.

– Et pour ce que tu disais en dernier... mec, tu vois bien comment tu te comportes avec les gamins au foyer. Tu ne leur ferais jamais de mal. Ce n’est pas dans ta nature malgré toute la merde que tu as côtoyée dans ton enfance.

Je hoche la tête quand il dit ça, soulagé de savoir que c’est normal d’avoir toutes ces conneries dans la tête. Mais Becks et moi avons grandi dans des conditions où le mot normal avait des sens diamétralement opposés. Alors, même si j’apprécie sa sollicitude, elle n’empêche pas ma peur panique d’échouer lamentablement quand je m’imagine parent. De voir Rylee tomber tellement amoureuse de ce bébé qu’elle m’oubliera. D’avoir dans les veines le même sang que ma mère qui n’en avait rien à faire de moi. D’avoir aussi le même sang que mon père qui a foutu le camp.

– Mec, c’est complètement normal de flipper, dit-il tandis que je prends une autre bière dans la glacière pour faire passer ma stupidité.

– Tu te planteras de temps en temps, mais c’est comme ça. Il n’y a pas de manuel pour te dire comment être un bon père... tu apprends au fur et à mesure. Un peu comme la première fois que tu fais l’amour. On se perfectionne avec la pratique.

Je rigole. Quel enfoiré, ce Becks ! Il n’y a que lui pour comparer le fait d’être parent au sexe, pour me faire comprendre le parallèle. Il me connaît bien.

– Le sexe ? Ça, c’est une chose que j’ai beaucoup pratiquée.

– En voyant le ventre arrondi de Rylee, je pense que c’est une compétence que tu as fini par bien maîtriser. Alors, tu vois ? Tu n’as aucune raison de t’inquiéter. Tu domines le sujet.

– Putain.

Le mot m’échappe quand des images de cet après-midi me reviennent en mémoire. J’étais censé déplacer le canapé dans la grande pièce pour faire de la place pour les tables et les chaises que nous avions louées pour la shower party. Au lieu de ça, je me suis retrouvé à regarder les joues de Ry se creuser tandis qu’elle me suçait. Son regard et le sourire sur ses lèvres quand elle faisait glisser ma queue moite dans le V de son décolleté avant de la prendre dans sa bouche chaude et douce. Mes couilles se contractent au souvenir de ses lèvres étirées autour de moi quand elle titillait mon gland avant de descendre de nouveau en glissant.

– À ce point-là, hein ?

Becks me ramène loin des images de ma femme si sexy.

– La perfection, putain.

Inutile de tenter de réprimer le sourire satisfait qui me vient aux lèvres.

– Alors, c’est donc vrai ?

Je jette un coup d’œil à Becks, en laissant ma bière en suspens à mi-chemin de mes lèvres dans l’attente d’une explication.

– Que les femmes enceintes sont vraiment excitables ? Je jette un coup d’œil vers la maison derrière nous.

Les rires de l’invasion d’œstrogènes parviennent jusqu’à nous et je hoche la tête.

– Mon pote, disons simplement que la chatte magique n’arrive pas à la cheville de la chatte enceinte.

– Tu déconnes ?

– Une vraie nympho. J’insiste sur le mot.

L’expression de son visage à cet instant – les sourcils levés, le lent hochement de tête, la bouche ouverte – est impayable.

– Putain de merde. Je rigole.

-Tu n’as pas idée. Putain. Tous les mecs m’avaient prévenu au sujet des hormones et des sautes d’humeur, et moi je me retrouve assis là avec un sourire béat parce que la chatte m’a à la bonne. Mec, la seule envie de femme enceinte qu’elle a, c’est pour ma queue et je ne me fais pas prier pour la satisfaire.

– Espèce d’enfoiré de veinard !

– Comme si je ne le savais pas !

– Et tu n’as pas peur de... (Il laisse sa phrase en suspens, mais je capte son ton amusé.) Non, laisse tomber...

– Termine ta phrase, Daniels.

– Eh bien, j’allais dire, tu n’as pas peur que tout ce sexe finisse par faire du mal au bébé – des coups dans la tête ou un truc du genre ? Mais j’oubliais que, vu la longueur de ta bite, il n’y a pas de quoi s’inquiéter.

Il étouffe un gloussement.

– Enfoiré.

C’est mon commentaire passe-partout avec lui, et sa vanne me fait rigoler parce que je n’en attendais pas moins de lui. En outre, j’ai bien besoin de cette distraction parce que je n’arrête pas de me demander si j’ai bien fait d’appeler mon détective privé, Kelly, cette semaine.

Mais le processus est enclenché. Je ne peux plus l’arrêter maintenant.

En plus, je sais que rien de bon ne peut en sortir. Il n’y a pas de dénouement heureux à attendre de cette histoire. En fait je suis sûr qu’elle va me bousiller avant de me rendre meilleur. Mais peut-être, je dis bien peut-être, vais-je pouvoir enfin enterrer cette dernière chose. Refermer ce dernier cercle avant l’arrivée du bébé, et pouvoir aller de l’avant.

Boucler la boucle, et basta.

Au moins quand celui-ci sera refermé, les putains de fantômes pourront se poursuivre les uns les autres comme des hamsters dans une roue pendant que j’enfoncerai la pédale au plancher à deux cents à l’heure dans la direction opposée.

– En tout cas, mec, dit Becks en me tirant de mes pensées, tu as intérêt à en profiter tant que tu peux, parce qu’une fois que le bébé sera là, tu vas faire ceinture pendant un moment.

– C’est ce qu’on m’a dit.

Je grogne. Je sais que je vais passer d’une femme nympho à une nonne.

– Tout change, mon pote. Un jour je suis célibataire, le lendemain je me marie et, maintenant, je vais avoir un bébé. Comment c’est arrivé, putain ?

Je dis ça, mais un large sourire éclaire mon visage.

– Je ne sais pas comment tu as fait pour trouver une femme disposée à te supporter, mais elle mérite une médaille.

– Merci pour ton soutien.

Je lève ma bière vers lui en signe de remerciement.

– Quand tu veux. Je suis là pour ça... mais avec tous ces changements, il faut que je te pose une question. Qu’est-ce qui te tracasse ? Parce que je te connais suffisamment pour savoir qu’il y a autre chose que ce que tu viens de me dire.

C’est reparti. Becks joue les psy, une fois de plus.

Je refuse de le regarder, je n’ai pas envie qu’il lise en moi. Qu’il voie que tout cet échange de plaisanteries n’est qu’une façade et qu’en fait j’ai l’impression que ma tête est passée au mixer : trop de choses, trop vite, trop d’incertitudes et trop d’inconnues. Et mon putain de passé qui ne disparaît jamais complètement.

Ces putains de fantômes.

– Colton ?

Ma bière reste en suspens à mi-chemin de ma bouche quand mon agacement se ravive et que le sarcasme me remonte aux lèvres.

– Qui pose la question, le patron de mon écurie, mon meilleur ami ou mon psy ?

– J’ai a priori la carte illimitée pour deux des trois catégories, alors qu’est-ce que ça peut faire ?

Putain. Il a raison. Pourquoi est-ce qu’il insiste comme ça ?Veut-il vraiment connaître la vérité ? Parce que, de mon côté, je préférerais de beaucoup me mettre la tête dans le sable. Bienheureuse ignorance, et tout le merdier.

– Je ferai le taf. Tu n’as pas de souci à te faire.

J’ai répondu trop facilement, et je me maudis, parce que Becks va immédiatement lire entre les lignes. Je me demande seulement s’il va laisser l’eau qui dort ou s’il va faire des vagues.

– Ah bon... mais tu oublies une chose, c’est que, justement, je me fais du souci. C’est mon boulot. Tu as des tas de trucs en tête en ce moment et j’ai besoin que tu aies les idées claires avant même que tu ne t’envoles pour le grand prix.

– Seigneur, Becks ! Tu ne penses qu’à la course. Bon sang, il y a autre chose dans la vie que cette putain de course !

J’ai parlé sur un ton cinglant, furax qu’il sache toujours trouver les mots qui me font démarrer et en même temps qu’il ait raison.

Ça marche à tous les coups.

Enfoiré. On pourrait penser que, depuis le temps, je ne me laisserai plus manipuler par Becks, eh bien non, à chaque fois je démarre au quart de tour, comme une marionnette dont il tire les ficelles.

– Ne t’inquiète pas. Ma tête ira très bien. T’es satisfait ?

– Tu crois que je m’inquiète pour la course, Donavan ? Tu crois que la course domine toutes mes pensées ? Pas du tout. Mais ce qui m’inquiète, en revanche, c’est d’être amené à décrocher le téléphone et à appeler ta femme enceinte de neuf mois pour lui dire que je t’ai mis dans une voiture en sachant que tu n’avais pas les idées claires, que tu as eu un accident et que tu es mort parce que tu avais la tête ailleurs et que tu ne pouvais pas te concentrer sur ce que tu avais à faire. Alors ça, tu vois, ça, c’est ce qui m’inquiète... tu peux garder pour toi ce que tu ne veux pas que je sache et me dire que je suis un connard égoïste parce que je ne pense qu’à la course. Ce que je veux vraiment savoir, c’est si ta tête est vraiment prête pour que je n’aie pas à voir un toubib quelconque te mettre dans un putain de sac parce que tu ne peux pas te concentrer et que tu ne veux dire à personne pourquoi. Tu peux me traiter d’égoïste, ou de tout ce que tu voudras. Parle-moi, ne me parle pas... Seigneur... mais fais en sorte d’être en forme pour que ça ne se produise pas.

Et, fidèle à lui-même, Beckett termine sa tirade aussi brusquement qu’il l’a commencée.

Le silence retombe. Et me ronge. Me tire cette vérité que je ne veux pas avouer.

– J’essaie de retrouver mon père.

Putain. D’où est-ce que ça sort ? J’avais l’intention de ne le dire à personne tant que je n’aurais rien de tangible

– Aussi tangible qu’une barrière de béton – et voilà que je suis en train de déballer mes secrets qui se déversent comme un robinet qui fuit.

En attendant sa réaction, je le regarde à la dérobée derrière mes verres réfléchissants; il prend une profonde inspiration et hoche la tête à deux reprises, histoire de digérer ce que je viens de lui dire.

– Je ne vais pas prétendre que je comprends la raison qui se cache derrière tout ça... mais tu ne crois pas qu’il vaut mieux ne pas déterrer certaines choses ?

J’entends le ton compréhensif dans sa voix, mais il lui est impossible de comprendre. Personne ne peut comprendre. Je n’essaie même plus de compter le nombre de fois où j’ai parcouru la proverbiale vallée de la mort. J’ai peut-être besoin d’y retourner encore une fois pour enfin dissiper l’ombre qui plane au-dessus de ma tête et qui m’empêche d’aller de l’avant.

– C’est tout le problème, au contraire, il a toujours été le chaînon manquant. J’ai besoin de le retrouver pour pouvoir couper les ponts définitivement et ne plus jamais regarder en arrière.

Je bois une longue gorgée de bière pour essayer de faire disparaître le goût amer que sa simple évocation me laisse dans la bouche.

– C’est un coup d’épée dans l’eau. Kelly ne le trouvera probablement pas. Et même s’il le trouvait ? Il me suffira peut-être de savoir où il est. Peut-être pas.

Je soupire. Je me sens encore plus idiot maintenant que tout à l’heure d’avoir appelé Kelly.

– Putain. Oublie ce que je t’ai dit.

– Impossible. Tu l’as dit. Je l’ai entendu. Au moins ça explique ton comportement ces derniers temps. Ry est au courant ?

– Il n’y a rien à raconter, pour le moment. Je repousse un pincement de culpabilité.

– Elle est déjà assez stressée avec le nouveau gamin au boulot et le bébé... je ne vais pas en plus lui donner des raisons de s’inquiéter à mon sujet.

– Pour ça, tu m’as moi.

– Exactement.

Je confirme avec un hochement de tête énergique.

– Et ton paternel ? Qu’est-ce qu’il dit de tout ça ?

La culpabilité : le cadeau qui n’est jamais en rupture de stock.

– Pareil. Je le lui dirai s’il en sort quelque chose. De plus... c’est mon père. Quand je dois faire quelque chose, il me soutient toujours.

Alors, si tu en es si sûr, pourquoi ne lui dis-tu pas ?

– Exactement, dit Becks, et ce simple mot renforce mon sentiment de culpabilité.

Pourquoi diable est-ce que je recherche le salopard qui n’a jamais voulu de moi alors que j’ai un homme qui m’a recueilli et pris sous son aile sans arrière-pensée quand j’étais complètement démoli et fracassé ?

Précisément.

Les pensées. Les doutes. Les interrogations. En cercles concentriques. Mais seul Kelly pourra me confirmer si j’ai une chance de trouver les réponses.

– Je te promets que j’aurai les idées claires quand j’arriverai sur la piste.

C’est tout ce que je peux dire à mon meilleur ami. C’est ma façon merdique de m’excuser.

Il hoche la tête et ajuste la visière de sa casquette de base-ball.

– Eh bien, j’espère que tu trouveras ce que tu cherches, mon frère, mais moi j’ai dans l’idée que tu l’as déjà trouvé.

Quand je lève les yeux vers lui, il fait un signe avec le goulot de sa bouteille de bière vers la terrasse derrière moi. Perplexe, je suis son regard et je vois Rylee debout contre la rambarde en train de parler avec ses invitées. Nos yeux se rencontrent. Je reçois en pleine poitrine un afflux d’émotions, et pour un homme qui se pensait incapable de ressentir quoi que ce soit, elle me fait passer par toutes les émotions. La gamme complète, bordel.

Je recommence à respirer. Le pincement de désir est toujours aussi fort que la première fois que je l’ai vue. Mais, maintenant, il est accompagné de tellement d’autres choses : les besoins, les envies, les lendemains, les jours d’avant, et tout ce qui se passe entre les deux.

Becks a raison. Indiscutablement.

Mon père n’est pas l’objectif final. Il n’est qu’un autre fantôme à exorciser dans mon âme.

Je suis un sacré veinard, parce que j’ai effectivement trouvé ce que je cherchais sans même le savoir. Et je remercie le Ciel qu’elle me regarde droit dans les yeux.

2

 

rylee

La peur garde toujours mon cœur en otage.

J’essaie de la repousser, de ne pas y penser et de vivre normalement au boulot, avec les gamins et avec Colton, mais de temps en temps, elle prend possession de mes pensées. J’ai beau être dans mon huitième mois, l’inquiétude que tout me soit enlevé, comme ça m’est arrivé deux fois déjà, ne me quitte pas l’esprit et revient au moindre pincement dans mon ventre, au moindre tiraillement dans mes hanches. Et me voilà assise dans la nurserie, au milieu d’une pile de vêtements de bébé, de couches, de couvertures, et je n’ose pas ouvrir un seul paquet de peur que ça porte malheur. De peur, si j’ouvre un paquet de vêtements, que je fais une lessive, que je mets un drap sur le matelas du couffin, de faire capoter mon rêve tant attendu de devenir mère.

Je suis en sécurité dans le rocking-chair, cependant. Je peux rester assise là, les yeux fermés, et sentir le bébé bouger, prendre plaisir aux mouvements qui déforment mon ventre tendu et qui me permettent de respirer un peu plus facilement chaque fois que je sens un coup de pied. Je peux poser les mains sur mon ventre et savoir qu’il ou elle est un battant et en bonne santé, et mourir d’impatience de le tenir dans mes bras. Je peux rester là et ressentir cet amour qui jaillit en moi pour ce bébé que Colton et moi avons conçu ensemble, et savoir sans l’ombre d’un doute que ce petit être parfait ne fera que cimenter et renforcer l’amour que nous éprouvons l’un pour l’autre.

Je m’efforce de conserver cet état d’esprit pour contrecarrer mon inquiétude tout en me levant du rocking-chair pour passer la main sur le matelas du berceau. Je n’arrive pas à croire à la réalité de tout ceci, à croire que dans moins de deux mois, il y aura cette nouveauté dans notre vie et qu’à la fois tout sera différent et tout sera semblable.

Des moments dans la vie. Avec quelle aisance nous passons d’un rôle à l’autre sans jamais remettre en question les angoisses créées par ces transitions. Comment cet événement particulier s’enchaînera-t-il avec le suivant ? S’il le fait.

Un bébé. Notre bébé. Bien que cette vie se développe en moi, et que je le ou la sente bouger de temps en temps, je suis toujours abasourdie par la réalité de cette idée.

Avec précaution je me mets à genoux pour trier les cadeaux empilés sur le sol. Si on en croit leur profusion, nos amis et nos familles sont impatients de rencontrer et de gâter le petit Donavan. Je tends le bras pour ramasser une moelleuse couverture jaune, je souris automatiquement en la portant à ma joue pour en sentir la douceur.

– Tu crois qu’un bébé a vraiment besoin de tout ce bazar ? La voix de Colton me fait sursauter. Il est appuyé contre l’embrasure de la porte, les pouces accrochés dans les poches de son short. Chaque centimètre de sa peau lisse et hâlée, de sa poitrine jusqu’au V de ses abdos, est un appel aux hormones stimulées par la grossesse qui déterminent mes pulsions sexuelles depuis ces derniers mois.

Et même sans les hormones, je suis sûre que de toute façon je le fixerais du regard parce que mon envie n’a pas de limites quand il s’agit de lui. Il suffit que je le voie pour que mon sang se mette à bouillir, que mon cœur s’emballe et que mon âme soupire d’aise.

Je fais une pause pour admirer mon mari, si séduisant, baladant mon regard sur la totalité de son corps avant de relever les yeux à temps pour saisir sur ses lèvres le sourire satisfait qui m’indique qu’il sait exactement ce que je pense, et ensuite de croiser son regard. Mais quand je plonge dans le vert émeraude de ses pupilles, je ne trouve pas l’amusement que j’attendais. À la place, j’y vois un mélange d’émotions contrôlées que j’ai du mal à déchiffrer. Ça me rappelle les premiers mois de notre rencontre, quand certaines choses n’étaient pas dites, et je déteste l’impression de malaise que ce souvenir me procure.

Résistant à ma tendance instinctive à prendre les devants en posant des questions pour résoudre le problème, je me dis que si quelque chose ne va pas, il m’en parlera quand il sera prêt à le faire. Je hausse les épaules pour éloigner mon inquiétude persistante. Ce n’est probablement rien de plus que l’anxiété de devenir parent. Il l’a tellement mieux gérée que ce que je craignais, en même temps ces derniers temps il se replie un peu sur lui-même. Mais, même si ça me soucie, je sais qu’il n’y a rien de surprenant à ce qu’il éprouve les mêmes craintes et les mêmes réserves que la plupart des futurs pères.

– Je n’en suis pas sûre. Ça fait vraiment beaucoup de choses pour un seul petit bébé.

Je jette un regard à tous ces présents et je hausse les épaules devant une telle profusion.

– Tu es superbe.

La soudaineté de ce commentaire me fait lever les yeux brusquement vers lui, et ma poitrine se gonfle d’amour. J’ai peine à croire qu’il puisse me trouver belle alors que j’ai l’impression de ressembler à une baleine échouée. Je me mets à rire et je tourne sur moi-même en posant les bras derrière moi pour me soutenir tout en étirant mes jambes.

– C’est gentil, mais je ne crois pas vraiment qu’avec mon ventre énorme et mes doigts de pieds gonflés comme des saucisses je corresponde tout à fait aux standards de la catégorie superbe.

– Eh bien, alors peut-être seulement de la catégorie belle. Il entre dans la pièce en souriant, jette un coup d’œil autour de lui, ramasse une couette pour bébé à damiers, en haussant les sourcils d’un air amusé et s’approche de moi.

– Hum.

Je suis loin d’être convaincue par son interprétation du terme belle, mais quand je le regarde dans les yeux, je vois que je suis belle à ses yeux, et je l’accepte, parce que quand un homme vous regarde alors que vous vous sentez affreuse et qu’il vous trouve belle, vous ne remettez pas son jugement en question.

– Tu travailles trop, Ry.

Il s’accroupit en face de moi. Je me retiens de soupirer à cette ritournelle, mais c’est le sujet qui nous divise ce temps-ci, il veut que je prenne mon congé de maternité.

– Il faut que tu arrêtes, tu en fais trop. Tu dois déléguer. Je baisse les yeux sur la couverture que je tiens dans les mains, j’ai horreur de reconnaître qu’il a raison et qu’il voit

à quel point j’ai du mal à lâcher prise.

– Je sais, mais il y a tellement de choses à faire avant l’arrivée du bébé, et je suis la seule à pouvoir les faire. Avec le nouveau projet qui se met en place et Auggie qui a des difficultés au foyer et...

Je m’interromps en pensant au petit dernier arrivé dans la « nichée », à toute l’attention qu’il réclame et que je ne vais pas pouvoir lui accorder. Pas un élément de ma liste invisible de tâches qui ne hurle pour être accompli – pour hier, en gros – et les journées sont trop courtes. Sentant que je vais être débordée simplement en y pensant, j’expire profondément. Les larmes me montent aux yeux quand je me triture l’esprit pour trouver un moyen de ne pas laisser tomber tout le monde alors que j’ai l’impression que c’est déjà le cas avant même que le bébé soit né. Ma crainte obsessionnelle de ne pas tenir mes engagements remonte à la surface, j’ai déjà l’impression de lâcher le morceau alors que je n’ai même pas encore entamé mon congé de maternité.

– Souffle un peu, Ry. Je sais que ta personnalité t’oblige à vouloir tout gérer toi-même, mais ce n’est pas possible. Il y a d’autres personnes qui peuvent prendre le relais. Évidemment, ça ne sera peut-être pas fait comme tu voudrais, mais au moins ça t’aidera. Et si ce n’est pas fait, eh bien, il sera toujours temps de t’en occuper une fois que BARC sera là.

– Colton !

– Quoi ? C’est pas sympa, BARC ? Le Bébé Attendu par Rylee et Colton.

Il prend un air innocent, sachant très bien qu’il fait ça pour m’énerver.

– Arrête d’appeler ce petit comme ça.

Je lui donne une claque sur la jambe et il éclate de rire en m’attrapant la main avant que j’aie le temps de la retirer.

– Ce petit ? Tu viens de dire ce petit ?

Notre interminable discussion sur le sexe inconnu du bébé vient de repasser sur le devant de la scène. Il me tire par le bras, et nous nous penchons en avant tous les deux en même temps. Il pose un tendre baiser sur mes lèvres, et une onde de choc se répand en moi jusqu’au centre stratégique de mon désir. Je sens le sourire qui retrousse ses lèvres toujours posées sur les miennes.

– Oui, j’ai dit petit... mais c’est juste une façon de parler. J’adore me trouver tout contre lui. Ces derniers jours,

je l’ai senti si distant. J’ai mis ça sur le compte du fait qu’il est aussi débordé que moi mais pour d’autres raisons : son avance de points à laquelle il a du mal à s’accrocher avant les 500 Miles d’Indianapolis qui doivent avoir lieu le mois prochain, la baby shower party aujourd’hui avec plus de cinquante femmes qui envahissent le seul domaine privé qu’il ait sur Terre et les changements de vie qui nous attendent avec la naissance du bébé. Ça fait beaucoup pour un seul homme, et a fortiori pour un homme qui n’avait jamais envisagé d’avoir un jour tout ça dans sa vie.

Est-ce qu’il est toujours d’accord ? Il y a une différence entre dire qu’il est prêt à devenir père et le penser vraiment. Je sais qu’il ne regrette rien – qu’il veut notre bébé autant que moi –, pourtant je n’arrive pas à me défaire de mon inquiétude, comment va-t-il s’adapter aux inévitables modifications de notre vie ?

Il pose distraitement ma main sur sa cuisse. Mon besoin de le sentir avec moi et de calmer mon inquiétude va de pair avec mon désir et mon envie de lui. Et l’impulsion de les satisfaire tous les deux est trop forte pour que je lui résiste, alors j’effleure sa queue du bout des doigts à travers le tissu qui la recouvre et j’adore sa brusque inspiration.

– Est-ce que tu essaierais de détourner mon attention, Rylee ?

– Jamais de la vie.

Mais, maintenant, mon esprit fait une fixation sur l’objet de tentation que je sens sous mes doigts.

– On discutait d’un point de vocabulaire, tu te souviens ?

Quand tu dis le petit, ce n’est qu’une façon de parler ?

Il essaie de remettre la discussion sur le tapis. Il est convaincu que je devrais connaître le sexe, parce qu’après tout c’est moi qui porte le bébé. Les hommes.

Mais il est vrai que, même si j’ai une chance sur deux de me tromper, je suis sûre que c’est un garçon. C’est obligé. Le petit garçon aux cheveux noirs et aux yeux verts qui apparaît dans mes rêves depuis quelque temps. Un nez constellé de taches de rousseur, qu’il retrousse quand il fait une bêtise et qui fait fondre mon cœur, tout comme son père. Mais ce n’est qu’une supposition, une intuition de mère, ce n’est pas quelque chose que je suis prête à dire tout haut.

– Non, non.

Ses doigts se serrent sur mon bras quand j’essaie de dérober une autre caresse, de le distraire de son obsession sur un mot qui pourrait tomber juste ou pas.

– La précision du vocabulaire.

– Eh bien, si vraiment tu insistes... je crois me souvenir que mouillée et consentante sont des adjectifs.

Je sais très bien qu’il sera capable de lire l’espièglerie et le désir dans mes yeux. On peut jouer à deux à ce jeu de la diversion, Ace.

Il rejette la tête en arrière et éclate de rire, et je sais qu’il a saisi ma référence à une plaisanterie qu’il a faite ce premier soir, quand nous avons fait l’amour sur le capot de Sexe. Il m’attire un peu plus près de lui et se laisse aller quand ses lèvres se posent sur les miennes. Nous nous embrassons comme si nous ne nous étions pas vus depuis des semaines. Ardeur et désir cumulés. La passion qui percute le manque. Mon corps vibre désespérément, et comment pourrait-il en être autrement quand on sait qu’à son simple contact tous les capteurs de ma libido se déclenchent ?

Son baiser possède une force magnétique qui attire chaque parcelle de mon être, jusqu’à ce que je veuille m’accrocher à lui et que je me tienne là pour ne plus jamais être détachée. Nos langues se retrouvent, exigeantes au début, avant que notre baiser ne devienne le tendre reflet de notre amour et de notre désir. Il vient poser sa main libre sur mon visage et passe le pouce sur ma joue puis éloigne ses lèvres malgré mes protestations. Au début, je prends le regard dans ses yeux pour de l’amusement quand il voit que je recherche une forme de rapport physique avec lui encore une fois, mais quand il parle, je sais que c’est parce qu’il n’est pas dupe de mes tentatives.

Bon sang. Il me connaît trop bien.

– Aurais-tu oublié que je suis maître dans l’art de détourner l’attention, Ryles ?

Il hausse les sourcils et un sourire arrogant retrousse un coin de sa bouche.

– Je vois bien ce que tu essaies de faire.

– Tu déclines une proposition de faire l’amour ?

– Oh Bébé, jamais je ne te ferais ça... je veux simplement revenir à notre discussion sur ce point de vocabulaire.

Il m’adresse un sourire express tout en immobilisant mes deux mains pour emmêler nos doigts, probablement pour empêcher les miens de se balader et de continuer à le tenter. Pour quelqu’un qui ne veut pas choisir un nom, il a l’air bien décidé à exprimer clairement son point de vue.

Il veut de la précision ? D’accord, je vais lui en donner.

– Précis comme dans l’expression me la mettre ? Il secoue la tête en gloussant.

– Pas si précis, non.

– Tu préfères parler sémantique plutôt que de faire plaisir à ta femme ?

Son sourire revient furtivement.

– Non, je préférerais que tu m’expliques pourquoi tu détestes le prénom BARC ?

– Tu es exaspérant. Et provocateur.

Je sais que j’aurai le sexe au bout du compte si la tension dans son short est révélatrice de son état d’esprit. Il résiste peut-être pour l’instant, mais je sais que le sexe l’emportera à la fin. Comme toujours.

– Alors comme ça, tu penses que le bébé est un garçon ?

Il a les yeux écarquillés et l’excitation est perceptible dans sa voix. Et son ton léger me va droit au cœur.

– Qu’est-ce que ça peut faire, ce que je pense, de toute manière tu refuses de discuter des prénoms avec moi ? Je veux dire, on n’a plus tellement de temps, Donavan.

– J’adore quand tu m’appelles Donavan.

Il serre ma main quand j’essaie de la retirer pour lui donner une nouvelle tape.

– Allez, Ryles, improvise pour une fois. Laissons-nous guider par l’instant. Vis dangereusement.

C’est un pilote de course qui dit ça à quelqu’un qui travaille dans le social. Je ne peux que secouer la tête, exaspérée.

– Le nom de notre bébé le suivra toute sa vie. Ce n’est pas une décision qui se prend à la légère.

Je n’arrive pas à croire qu’il ne démorde pas de son projet d’attendre d’avoir vu le bébé pour lui donner un prénom. La première fois qu’il en a parlé, j’ai cru qu’il plaisantait, mais maintenant je sais que non.

– Écoute, tu as ta liste de noms et moi j’ai la mienne. Pourquoi ne pas attendre de voir à quoi BARC ressemble pour nous les montrer et décider à ce moment-là.

Je plisse les yeux, curieuse de connaître les prénoms qu’il préfère ou s’il aime certains de ceux que j’ai suggérés au cours des derniers mois.

–Vis dangereusement avec moi, Ryles.

Il rigole et je secoue la tête en tentant de prendre l’air fâché et de cacher mon propre sourire.

– Je vis déjà dangereusement. Je t’ai épousé, je te rappelle.

– Oh Bébé, si je me rappelle ! Aucun homme ne pourrait oublier les choses que tu m’as faites ce matin.

Un éclat coquin illumine son regard.

Je rougis immédiatement, gênée un instant par ma tendance actuelle à être très demandeuse et très excitée et qui m’a empêchée de lui résister alors que je savais que le traiteur allait arriver d’un moment à l’autre. Et, bien sûr, le souvenir de son regard chargé de désir et de sa queue dressée et gonflée dans ma bouche fait naître dans mon corps l’envie de recommencer. À ma demande, cette fois, et je ne crois pas que ça lui poserait problème d’y accéder.

Je suis forcée de repousser cette image de mon esprit parce que je pense qu’il a atteint exactement le but qu’il recherchait en disant cela.

– Regarde maintenant qui essaie de faire diversion. Le nom de BARC ?

Je hausse un sourcil et son rire résonne autour de nous.

Cet homme est sans pitié.

– Et si je n’aime aucun des noms que tu as choisis et toi aucun des miens ?

Il hausse les épaules.

– Pas de problème. Je ferai diversion.

– Ce doit être le mot du jour. Bien essayé, mais ce n’est pas si facile quand il s’agit d’une chose aussi importante... oh, mon Dieu, ce que c’est bon !

Je gémis quand il pose mon pied sur ses genoux et commence à en masser la plante. J’en ai trop fait ces derniers jours, entre le travail et les préparatifs de la shower party, et ça se manifeste par un gonflement impressionnant de mes pieds, alors cette sensation est absolument divine. Je me laisse aller contre le mur derrière moi et je ferme les yeux pour savourer le plaisir qu’il me donne.

Oubliés le chocolat, le sexe avec Colton et tant pis pour le paradis perdu, parce que ça, un massage des pieds après avoir été debout toute la journée quand tu es enceinte, c’est le nirvana complet. Il se sert habilement de ses doigts pour appuyer et étirer, et masser pour me faire atteindre un plaisir comateux.

Quand je lève la tête et que j’ouvre les yeux, je vois qu’il m’observe avec un immense sourire sur le visage.

– Quoi ?

– Tu vois ?

Il hausse les épaules.

– La diversion. Il me suffit de changer de sujet, de passer à une vitesse supérieure, si je puis dire, pour obtenir ce que je veux.

Il croit qu’il est si habile que je me ferai avoir à tous les coups, mais il y a longtemps que j’ai appris que Colton Donavan ne joue pas franc jeu quand il veut quelque chose. C’est une bonne chose que le maître lui-même m’ait formée parce que, comme ça, je connais tous ses tours et je vais pouvoir m’en servir contre lui.

– Des mains de magicien.

Je murmure à bout de souffle, quand son pouce appuie sur un point de tension, ce qui a pour effet d’envoyer une décharge électrique entre mes cuisses.

– Tes pieds sont tellement gonflés.

Il baisse la tête alors que ses doigts remontent en massant jusqu’à mes mollets, ce qui me procure plus de joie qu’on ne s’y attendrait.

– Ce n’est pas la seule partie de mon anatomie à être gonflée.

La réaction que j’ai sciemment provoquée est presque instantanée, il lève les yeux brusquement et ses mains s’immobilisent un instant. Son sourire de travers – mi-bad boy arrogant, mi-amant empressé – s’affiche sur ses lèvres tandis qu’il soutient mon regard.

– Ah bon ?

Il feint la nonchalance mais, à en juger à sa réaction, je sais déjà qu’il est prêt. Il est temps de voir combien de temps il mettra à mordre à l’hameçon parce que cette femme est impatiente d’aller plus loin que ce simple contact sur son pied.

– Mmm. Gonflé veut dire hypersensible. Et sensible veut dire intense.

Je passe les mains sur mes seins qui débordent de mon caraco. Il suit mon mouvement des yeux et remarque le durcissement de mes tétons sous ma caresse à travers le tissu soyeux. Avec mon ventre énorme qui m’empêche de voir mes chevilles, et à huit mois de grossesse, je n’aurais jamais pensé pouvoir séduire mon mari, mais la façon dont il me regarde – cette lueur prédatrice dans le regard, sans parler de son souffle court – me dit que ça ne le dérange pas. Il me trouve sexy. Il me désire toujours. Et ça me procure l’assurance dont j’ai besoin pour avoir le culot de continuer.

– Intense, c’est bien.

– Intense, c’est incroyable.

Je ne peux que gémir quand nos regards se soudent en un amusant affrontement pour déterminer qui va faire le premier geste.

– Gonflé veut dire serré. Réactif. Multi...

– Je crois qu’il faut que j’aille voir ça de plus près.

Il se met à genoux, sans cesser de me regarder dans les yeux. Ses mains remontent le long de mes cuisses dans une caresse légère mais déterminée qui relève ma jupe dans le même mouvement.

– Pour te faire une idée, tu vas devoir tester la marchandise.

Son toucher met ma détermination à l’épreuve, la vue de sa poitrine hâlée et le parfum de noix de coco de son huile solaire font plier ma retenue.

– On a des exigences, on dirait ?

Il s’immobilise et hausse les sourcils, un sourire joue à la commissure de ses lèvres.

– Je n’ai enregistré aucune plainte jusqu’ici.

Il se penche vers moi pour effleurer mes lèvres d’un baiser. Quand il s’écarte, j’accompagne son mouvement parce que je ne me contente pas de ce qu’il m’a donné.

Ses yeux brillent de plaisir, il sait qu’il m’a prise à mon propre jeu : essayer d’être la séductrice alors que tout ce que je veux, c’est lui en moi, sur moi, et sans tarder.

– Tu veux quelque chose ?

Pendant qu’il parle, ses doigts poursuivent leur ascension tentatrice vers le point de jonction de mes cuisses. J’adore le sifflement de son souffle quand ses pouces frôlent ma chair gonflée et découvrent que j’ai enlevé ma culotte quand j’ai mis une tenue plus confortable après m’être douchée. Et l’instant d’hésitation dans son geste ne fait qu’accentuer mon désir avant qu’il n’éloigne ses mains pour redescendre vers mes genoux.

– Toi.

Pourquoi ne pas aller droit au but quand cette douce tension nichée au fond de mon bas-ventre est déjà embrasée et que la seule et unique personne qui puisse la satisfaire est assise devant moi ?

– Moi ?

Il plonge la tête et pose un baiser d’abord sur ma cuisse gauche puis sur la droite. Il lève les yeux vers moi pour me regarder à travers ses cils épais en humectant lentement sa lèvre inférieure.

– C’est pour ça que tu ne portes pas de culotte ? Qu’est-ce que tu attends de moi, précisément ?

Ses mains reprennent leur mouvement et, par ce simple contact, il me séduit et m’hypnotise parce que je sais ce qu’il a en réserve. Je laisse échapper un rire grave et suggestif.

– En fait, ce n’est pas tant ce que j’attends de toi qui est important en soi mais l’endroit exact où je t’attends.

– Tu me veux là ?

En posant la question, il passe tout doucement le bout de ses doigts sur les bords de ma fente. J’ai beau essayer de rester immobile, mes hanches se cambrent en une supplication non verbale avant qu’il éloigne ses doigts.

– Arrête de m’allumer, Donavan.

Tout mon corps est tendu à la limite de la douleur tant j’ai envie qu’il recommence. Son rire emplit le silence de la pièce quand il se penche en avant, les yeux plongés dans les miens, et suit du bout de la langue le contour de mon téton à travers le tissu de mon caraco. Juste assez pour donner un aperçu de la sensation que ça produit mais pas assez pour que je la savoure totalement.

– Oh, je ne t’allume pas, Donavan.

Ses yeux rient quand il reprend mes termes et sa caresse se fait plus précise.

– Je découvre les lieux.

– Je suis pratiquement sûre que tu vas découvrir que tu dois me baiser sans plus attendre.

J’adore le sourire fugace qui éclaire ses traits et le léger sursaut de son geste quand il entend l’exigence de ma demande. Il fait « tss » en hochant la tête avec une nouvelle caresse éclair du bout des doigts.

– Ne t’inquiète pas, j’ai bien l’intention de te baiser, mon cœur, mais je suis pour l’égalité des chances.

Mes muscles intimes se contractent quand j’entends la première partie de sa phrase et, en même temps, j’essaie de comprendre ce qu’il entend par sa deuxième remarque, ce n’est pas le moment de faire de l’esprit. C’est le moment de donner à une femme travaillée par ses hormones exactement ce qu’elle veut.

– L’égalité des chances ?

Je pousse un soupir de frustration suivi aussitôt d’un petit cri de surprise quand Colton écarte un peu plus mes jambes en les poussant de ses genoux et glisse ses doigts entre les lèvres de mon sexe. Mon corps se détend d’un coup, soulagé d’obtenir enfin ce qu’il désire, mais en même temps, il se tend de nouveau parce que j’en veux plus.

– Ouaip, dit-il en baissant la tête, et la douce tiédeur de sa bouche se referme sur mon clitoris que ses doigts ont mis à nu.

Ma tête retombe en arrière contre le mur tandis qu’une vague de plaisir déferle dans mon corps. Je passe les mains dans ses cheveux où mes doigts s’accrochent, mes hanches se soulèvent et je lui dis à quel point j’ai envie de lui. Je sens un courant d’air frais passer sur moi quand sa bouche relâche la peau qu’il suçait. De mes mains, j’essaie de le maintenir niché entre mes cuisses et un gloussement sort de ses lèvres, qui vient amplifier l’excitation qu’il a fait monter à la surface.

– L’égalité des chances de plaisir ici...

Il baisse la tête à nouveau pour passer la langue de haut en bas sur la fente de mon sexe.

– ...et ici.

Il bouge les doigts qui m’écartèlent et les glisse en moi. Un gémissement incontrôlé s’échappe de mes lèvres quand Colton incurve son doigt pour atteindre mes terminaisons nerveuses internes. Et, mon Dieu... ma capacité à penser m’abandonne pour laisser place aux sensations qui me submergent quand l’action conjointe de ses doigts et de sa langue commence à satisfaire mon besoin insatiable de sexe. Il crée un rythme qui lui est propre : le glissement de sa langue, le mouvement expert de ses doigts en moi, l’action douce de ses lèvres sur mon clitoris. Mon corps réagit : mes muscles se contractent, mon dos s’arc-boute, mes mains s’accrochent alors qu’il déclenche le va-et-vient de sensations nécessaires pour que j’atteigne le pic de ma jouissance.

– Vas-y, Ry.

En sentant la chaleur de son souffle sur ma peau moite, je me tords et je donne des coups de boutoir dans sa main.

– Jouis pour moi pour que je puisse te baiser quand tu seras encore en train de jouir, et que tu enduises ma queue de ta moiteur alors que j’en sentirai encore le goût sur ma langue.

Ses paroles sont comme le dernier jet d’essence répandu sur des braises. Incendiaires. Provocantes. Inévitables.

Je m’abandonne à ce moment – à ce sentiment, à ce tout avec lui – et je m’écrase au-delà des limites dans cette chute libre chauffée à blanc. Le feu monte le long de ma colonne vertébrale, se répand jusqu’à mes doigts et mes orteils où il gagne de la force avant de se rabattre brutalement à l’intérieur de moi où il continue à pousser ma jouissance au-delà du supportable. Intense est un mot trop sage pour définir ce qu’il me fait éprouver.

À. Chaque. Fois.

La pensée me traverse qu’il me donne rien moins que son meilleur à chaque fois.

Mes muscles sont tellement serrés – mon esprit si perdu dans ce flot de plaisir post-orgasmique – mes ongles enfoncés si profondément dans ses épaules que je ne sais pas comment il fait pour échapper à l’étau de mes cuisses. Mais quand il y parvient, les lèvres encore luisantes des traces de mon excitation et les yeux brûlants de désir, je ne peux pas m’empêcher de le regarder avec étonnement et de remercier toutes ces putains de bonnes étoiles dans le firmament qu’il soit à moi.

Parce que Colton Donavan est toujours d’une beauté renversante, mais quand sa taille est encadrée par mes cuisses mettant en valeur sa poitrine nue et chaque centimètre de sa peau hâlée, et que le regard dans ses yeux me dit qu’il va me prendre comme bon lui semblera, sans retenue, il est inimaginable.

Voyou. Rebelle. Intrépide.

Ces mots me traversent l’esprit – traînant derrière eux des souvenirs venus d’ailleurs, d’une autre époque, mais toujours si appropriés après tout ce temps – quand il déboutonne son short et sort sa queue. Gonflée et dure, prête à réclamer son dû, et bon sang, j’ai l’eau qui me monte à la bouche en la voyant, mes fichues hormones passent la vitesse supérieure une fois de plus alors que je viens tout juste de jouir.

– Colton.

Son nom sur mes lèvres est tout à la fois une supplication et une exigence et fait remonter sur les siennes son fameux sourire arrogant.

La crête de sa bite appuie sur la source de mon plaisir. Sa langue pointe entre ses lèvres pour venir les humecter. Ses yeux se posent brièvement sur les miens une dernière fois avant d’aller regarder le point où il me pénètre en poussant lentement.

– Putain, j’adore regarder ta chatte s’étirer autour de moi. Et la façon dont elle se resserre quand tu m’accueilles en toi.

Ses mots arrivent à mes oreilles, mais mon corps est complètement concentré sur lui qui me pénètre pleinement, qui m’écartèle, provoquant mon plaisir à chaque poussée de ses hanches. Tant de sensations et d’émotions se répandent en moi que je ne sais plus où donner de la tête, alors je ferme les yeux, je rejette la tête en arrière et j’agrippe des deux mains le tapis comme si c’était un drap. Et quand je ne trouve pas de point d’appui, quand j’ai besoin de me raccrocher à quelque chose pour pouvoir surfer sur le raz de marée de désir que je sens venir, je tends les mains pour attraper ses avant-bras posés sur mes jambes.

Il est doux mais exigeant, se retirant entièrement pour guider sa queue de la main afin que son gland frotte l’endroit exact où j’ai besoin de lui. Mes terminaisons nerveuses sont tellement sensibilisées que quand je bouge les hanches, j’ouvre de grands yeux, surprise que ce soit si bon.

Et l’expression de son visage me dit qu’il connaît suffisamment mes réactions pour savoir qu’il a touché le point sensible, à la perfection. Et qu’il est résolu à recommencer. Pour me tirer de l’état d’extase dans lequel il m’a plongée, pour que je retienne mon souffle momentanément le temps qu’il passe la vitesse supérieure et me noie dans le flot de plaisir de ma seconde jouissance.

C’est ce qu’il commence à faire en prenant son tempo, il me regarde l’air concentré, et le plaisir marque les traits de son visage, les muscles de son cou et de ses épaules se tendent, et sa bouche s’étire alors qu’il nous pousse tous les deux au-delà des limites de la raison.

Mon pouls s’accélère, mais mon esprit ralentit. Le frottement du tapis sous mon dos. La pression de ses doigts dans mes cuisses. La sensation d’oubli quand il gonfle en moi. Mon nom sur ses lèvres. L’expression de son visage quand il s’abandonne.

– Colton.

Je crie et je me cambre en le laissant dicter la moindre de mes réactions. Et rien d’autre de ce que je dis n’est cohérent parce que mon deuxième orgasme est toujours tellement plus puissant que le premier. Et celui-ci ne fait pas exception à la règle. Je cherche à tâtons quelque chose à quoi m’accrocher et, instantanément, les mains de Colton trouvent les miennes, nos doigts s’entrelacent et je succombe aux sensations qu’il a provoquées en moi.

Maintenant qu’il sait que j’ai joui, il utilise nos mains jointes pour relever mes hanches dans la meilleure position possible afin qu’il puisse lui aussi poursuivre son propre plaisir. Et même si je ne suis pas encore complètement redescendue, je ne peux pas détacher mes yeux de lui. En mordillant sa lèvre supérieure, il donne des coups de boutoir de plus en plus fort en moi et il rejette la tête en arrière, éperdu de félicité.

– Putain, Ry...

Il gémit d’une voix mal assurée, et c’est le son le plus sexy du monde à mes oreilles parce que c’est moi qui l’ai provoqué. Et quand il décharge en moi, il s’immobilise complètement – ses mains, ses hanches, son souffle – perdu dans le flot de son plaisir. Ensuite, il relève la tête lentement en dénouant nos doigts, ce sourire satisfait apparaît aux coins de sa bouche et ses yeux plongent dans les miens.

– Toi alors, putain...

– Mmm...

Je murmure,dans un état second de plénitude,et totalement enivrée de lui.

– C’était assez intense pour toi ?

Comme s’il avait besoin de le demander.

– Je pense que je vais te garder.

Il part d’un rire joyeux et profond, tout en se retirant, et me crapahute dessus pour se pencher sur moi, appuyé sur ses mains. Il me regarde longuement sans sourire, tant de choses se reflètent dans ses yeux que je ne peux pas déchiffrer. À part une, qui est la plus importante. C’est le regard qui me dit que je suis son univers et je ne risque pas de le contredire là-dessus. Quelle femme en possession de toute sa raison le ferait ? Il a tout pour lui : il est sexy, attentionné, généreux, espiègle et tout à moi. L’amour n’est pas un terme assez fort pour décrire ce que je ressens pour lui.

– Je ne crois pas que tu aies le choix, de toute façon.

 

 

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