Il existe mille façons d’aimer et sûrement autant de tout détruire. Combien en ai-je expérimenté précisément ? Je ne m’en souviens pas, mais j’en ai très clairement quelques-unes en mémoire, sans oublier tous les mauvais choix qui les ont accompagnées.
Combien de fois ai-je pensé que Sandy faisait fausse route ? Combien de fois me suis-je dit qu’il allait gâcher sa vie ? Et tout ça sans jamais réaliser que, de nous deux, j’étais celui qui se trompait. Tandis qu’il avançait à son rythme, en tombant parfois, puis en se relevant, moi, je restais toujours au même endroit.
De la même manière que je tourne en rond sur mon circuit préféré, en m’accrochant à ma moto comme si elle était la seule à pouvoir m’empêcher de sombrer, je suis prisonnier de la boucle de mon existence sans vraiment savoir ce que vivre signifie.
À ne pas vouloir décrocher du passé, je crois que j’ai perdu ma chance avec le présent et qu’il n’existe plus d’avenir pour moi. L’encre a séché et certaines marques ne peuvent être effacées, pas plus que je ne peux gommer toutes les façons dont on s’est aimés, lui et moi.
Sandy ne lâche pas son téléphone des yeux. Sa grand-mère n’a pas répondu à son appel et il n’a pas réussi à joindre sa mère. Mon meilleur ami est inquiet comme jamais il ne l’a été avant. C’est toujours la même histoire. Chaque fois qu’on part en voyage tous ensemble, il prend des nouvelles quotidiennement, et quand il reste sans réponse, il commence à angoisser. Difficile de ne pas le comprendre. Quand on a un père violent comme le sien et qu’on voit trop souvent sa mère en pleurs et marquée par les coups, impossible de ne pas s’inquiéter.
J’aimerais pouvoir tirer sa mère de là. Parfois, je m’imagine chevaucher Treize, ma moto – je lui ai donné ce nom pour conjurer le sort –, et rouler à toute vitesse jusqu’à Lyon pour la sortir de ce foyer sombre et l’emmener loin, quelque part où cet homme ne pourrait plus la toucher. Chaque fois que j’y pense, je sens le feu qui s’embrase dans mon ventre, dans mes reins, dans ma poitrine… Je déteste le père de Sandy et je me déteste parfois tout autant d’être si impuissant. Il y a peu de choses aussi difficiles pour moi que de savoir mon meilleur ami dans cet état.
Je tends mon joint vers lui. Je partage rarement ma drogue, mais j’ai le sentiment qu’il en a plus besoin que moi, aujourd’hui.
– Merci, se contente-t-il de répondre, les traits de son visage toujours tirés dans un air soucieux.
– Tu veux que je demande à ma mère ou à ma tante d’aller voir ? demande Lara.
Notre amie habite Lyon, elle aussi, comme le reste de sa famille. C’est elle qui connaît Sandy depuis le plus longtemps. Ils ont grandi ensemble.
Sandy secoue la tête.
– Si elles vont chez eux, mon père va accuser ma mère et ce sera pire…
– Je peux leur dire d’aller chez Jacky, si tu préfères. Si c’est ta grand-mère qui débarque, ça ira, non ?
– J’en sais rien…
Sandy grogne en se frottant la tête rageusement. Soudain, son téléphone sonne et j’entends presque son cœur s’emballer. Il décroche immédiatement.
– Putain, Gran’, t’étais où ?! Non, je… Oui, désolé… OK. Merci, je te rappelle demain, alors.
Juste comme ça, il raccroche. Il pousse un soupir à fendre l’âme, et quand je l’interroge du regard, il affiche une moue de gamin qui s’est fait réprimander.
– Elle m’a engueulé parce que j’ai été vulgaire…
Cela fait rire Violette, la doyenne de notre groupe. Elle a connu Jacky bien avant de nous connaître nous, quand elles étaient jeunes et que le grand-père de Sandy était encore en vie. Ensemble, ils formaient un autre groupe de motards, plus traditionnel, peut-être. Je ne sais pas vraiment, elle en parle peu, et puis c’était une autre époque. En tout cas, elle connaît bien la vieille femme et son caractère.
Lara et Riley sourient aussi, et Sandy se met à rire doucement. Avoir sa grand-mère au téléphone pour prendre des nouvelles de sa mère a suffi à le soulager du poids qui pesait sur lui. Il n’en demande pas plus, il a appris à se contenter de peu.
Je tends la main vers lui pour récupérer mon joint. Il n’en a plus besoin, et moi, j’aimerais passer une nuit vide de cauchemars. Il n’a qu’à s’en rouler un lui-même.
Soulagé qu’il aille mieux, je me réinstalle dans mon fauteuil, puis je lève les yeux vers le ciel. Les étoiles le parsèment, elles brillent avec intensité, et j’ai soudain envie de me les tatouer quelque part sur le corps, à moins que je ne les grave sur Sandy.
Ce n’est pas la première fois qu’on s’arrête à Latour-de-Carol pendant l’une de nos virées. J’adore la montagne, l’air pur, le ciel dégagé et tous les virages sur lesquels je peux m’éclater. J’aime parcourir ce mélange entre la nature et la route.
Les rires de mes amis embellissent le silence de la nuit, je me sens apaisé. Quand je suis avec eux, j’ai l’impression de goûter un peu au paradis.
*
* *
Le lendemain matin, après avoir fumé et pris une douche, je commence à m’éloigner de notre mobil home.
– Où tu vas, comme ça ? me demande Luigi.
– Je vais me promener.
– Sans Treize ?
– Mes jambes finissent par être jalouses si je ne les utilise plus pour me balader. Elles sont comme les femmes, tu sais, un peu capricieuses.
– Les femmes, quelle histoire.
– C’est pour ça que je préfère les hommes.
Les discussions sans queue ni tête, c’est notre truc, à Luigi et moi. Personne ne les comprend et aucun ne s’y essaye plus, de toute façon. Ça part d’une balade, ça finit sur les femmes, ça n’a jamais vraiment de sens. Je ne sais pas trop d’où ça nous vient. Parfois, j’ai l’impression d’être dans sa tête et qu’il est dans la mienne, que même sans préciser les connexions que l’on fait entre chaque chose, l’autre les comprend. C’est aussi perturbant qu’amusant.
– Un homme, une femme, ça reste chiant quand on en dépend, soupire-t-il.
– On peut toujours annuler le mariage, si tu aimes tant que ça la solitude, intervient Lara, sans lever la tête de son téléphone.
– Non, toi, je veux t’épouser.
Elle pose finalement les yeux sur lui.
– On verra.
Elle l’épousera. Bien sûr qu’elle le fera. Elle en est dingue et elle a toujours voulu se marier. Sandy nous a raconté que petite, déjà, elle se déguisait en mariée. C’est dur à croire quand on la voit comme ça ; c’est une motarde au caractère bien trempé, une femme indépendante qui montre peu ses sentiments, mais elle est folle de Luigi et c’est bien lui l’homme de sa vie.
– Bon, alors, où tu vas ? me demande-t-elle.
– Je vous ai dit que j’allais me promener. C’est quoi cet interrogatoire ? Personne n’a demandé à Sandy où il partait, hier soir.
– Parce que lui, on sait où il est, rit Lara. Chaque fois qu’on passe ici, il file chez June.
– Ta cousine habite toujours ici ? demandé-je.
– Toujours. Je crois qu’elle ne quittera jamais sa montagne. Passer de Lyon à Latour-de-Carol, ça me dépasse.
Pas moi. Je ne pourrais pas vivre trop longtemps loin de la ville, mais je comprends qu’on s’installe au cœur de la nature, il fait vraiment bon vivre, ici. Si je n’avais pas besoin d’être dans un endroit animé pour mon travail, je viendrais sûrement me perdre dans la montagne, moi aussi. Malheureusement, malgré mon talent de tatoueur et ma notoriété, je doute d’avoir un succès suffisant dans le coin. Pour un temps, certainement, mais à long terme, ça n’irait pas.
– Certains préfèrent la nature, dit Luigi.
– Moi, je préfère les endroits où on peut rouler à moto sans avoir envie de vomir toutes les deux minutes. Y’a trop de virages ici.
– Ça me plaît, moi, dis-je.
– Parce que tu as l’habitude des circuits, mais ne te rate pas dans un virage ici sinon tu ne t’en relèveras pas, mon poussin.
Ma Violette. Quand j’entends sa voix, j’ai toujours le sourire. Quand elle apporte du café, je l’aime encore plus que la minute précédente.
– J’allais justement en chercher, dis-je en prenant la tasse qu’elle vient de me servir.
– Je croyais que t’allais te promener ? m’interroge Lara.
– Pour trouver un bon café.
– Tu pouvais pas le dire ?
– Depuis quand t’es ma mère, toi ?
Je ris, Luigi aussi. Sa fiancée lui donne un coup dans le bras avant de rire à son tour, et comme s’il avait senti l’odeur du café, Sandy débarque, les cheveux en bordel, avec ses fringues de la veille.
– En voilà un qui a passé une bonne nuit.
– Clément, mon Clément, si tu savais…
– Je ne veux pas savoir.
Il entoure ma nuque de son bras, un sourire idiot barrant son visage, et je ne peux que sourire en retour. Quand Sandy est heureux, je le suis aussi. Je suis un homme bien simple qui a parfois une vie trop compliquée.
– Tu ne sais pas ce que tu rates à ne pas aimer les femmes.
– De mon point de vue, c’est toi qui rates beaucoup à ne pas aimer les hommes.
Il rit et commence à me chahuter comme un gamin. Sa bonne humeur est contagieuse et toute la petite bande se met à rire avec lui. Sandy est un peu le cœur des Lost Souls, notre bande de motards. Il est le lien entre chaque membre, c’est lui qui nous a réunis. Aujourd’hui, c’est bien plus que ça qui nous maintient tous ensemble, mais à la base, c’est grâce à lui que nous nous sommes tous rencontrés. Il connaît Lara depuis leur naissance, il est devenu ami avec Luigi quand ils étaient adolescents, et c’est lui qui l’a présenté à celle qui va bientôt devenir sa femme. Il a dragué Riley dans un pub où elle chantait, il a rencontré Patrick dans un autre et Violette est une amie de sa grand-mère, il la connaît donc depuis toujours. Quant à moi, je suis une âme paumée qu’il a croisée dans sa propre perdition, au cours d’une bagarre absurde avec trois types homophobes qui m’avaient fait perdre patience – il m’en faut pourtant beaucoup, habituellement. Sandy a débarqué comme une fleur, je ne le connaissais ni d’Ève ni d’Adam, et il s’est battu à mes côtés, juste parce qu’il en avait envie – ou besoin, je n’ai jamais vraiment su. Je me souviendrai toujours de cette première rencontre, de la rage que je l’ai vu extérioriser et de ce plaisir qu’il a pris à simplement cogner ces mecs dont il ne savait rien. J’avais à peine dix-huit ans, il en avait déjà vingt. Après ça, nous ne nous sommes plus jamais séparés. Deux ans seulement que nous sommes amis et j’ai pourtant le sentiment de l’avoir connu toute ma vie.
Il y a des rencontres un peu étranges, d’autres qui sont évidentes, certaines inévitables… je ne sais pas comment qualifier celle avec mon meilleur ami. À vingt ans, je n’ai encore rien vécu, mais j’ai l’impression qu’il sera éternellement le meilleur dans ma vie, que rien ni personne ne pourra faire mieux que lui. Cela ressemble beaucoup à de l’amour. Parfois, je me demande si je me méprends, si j’aime Sandy autrement que comme un ami, que comme un frère, et puis je pose les yeux sur tous ces gens qui forment un groupe tellement soudé, et je me souviens qu’on peut aimer aussi intensément sans que cela soit d’un amour romantique.
Ils sont ma famille, pas de sang, mais ils sont quand même ma famille.
– June viendra déjeuner avec nous demain, avant qu’on reparte, dit Sandy.
– Je sais, répond Lara.
– Comment tu le sais ? Elle me l’a dit la nuit dernière.
– C’est ma cousine, on avait déjà prévu de se voir.
– Moi qui pensais qu’elle ne venait que pour mes beaux yeux, soupire mon ami en se laissant tomber dans une chilienne.
Riley lève le nez de son livre et lui sourit en tapotant sa main, d’un geste réconfortant.
– Tu retournes la voir ce soir ? demande Lara.
– Sûrement.
– Tu n’as jamais pensé à passer une journée avec une femme, et pas juste des nuits ? demandé-je.
– Mais j’aime aussi faire l’amour en journée !
– Ce n’est pas ce que je voulais dire…
– De toute façon, c’est elle qui ne veut pas me voir aujourd’hui. Elle m’a limite foutu dehors, ce matin. Elle dit que le vendredi, c’est atelier cuisine, et qu’après ça, elle va écrire. Je ne suis qu’un jouet pour elle…
– Selon la mesure que vous utilisez pour donner, on vous donnera.
– Bien dit, Pat’ ! s’exclame Lara en lui tapant dans la main. Tu obtiens des femmes à la hauteur de ce que tu leur donnes.
– Du point de vue de Sandy, il leur donne déjà tout, répond Luigi.
– Sauf son cœur, précise Violette.
– Hey, vous avez fini ? Je plaisantais, pourquoi c’est ma fête, là ? rit l’accusé. Il n’y a vraiment que sur Ri’ que je peux compter !
– Je ne suis pas là, je ne me prononce pas, mon trésor.
– Où tu es ? demande mon meilleur ami en se penchant vers elle pour regarder son livre.
– Perdu dans les méandres de l’esprit d’un M. Grey.
– Cinquante Nuances de Grey ? C’est pas du porno ?
– De l’érotisme.
– C’est un peu pareil… Et alors, c’est bien ?
– Je ne me prononce jamais sur un livre avant de l’avoir terminé.
– Elle n’aime pas, dis-je.
– C’est certain, elle déteste, ajoute Luigi.
– Je confirme, regardez sa tête, elle déteste ! renchérit Lara en riant.
Riley soupire et referme son bouquin, agacée que nous lisions tous en elle comme dans un livre ouvert.
– Impossible d’être tranquille avec vous.
– Ne me laisse pas, tu es mon seul soutien ! crie Sandy.
Notre jolie pin-up secoue la tête et entre dans le mobil home. Personne n’a manqué son petit sourire. Riley est vraiment simple à comprendre pour peu qu’on la regarde attentivement. Elle porte ses émotions sur son visage. J’adore ce genre de personnes.
– Puisque c’est ça, je vais me coucher.
– Il est onze heures du matin, Sandy, lui fait remarquer Violette.
– Je n’ai pas beaucoup dormi et je veux être en forme pour ce soir. On va bien sortir boire un verre, non ?
Tout le monde hausse les épaules, mais pas d’incertitude ; il est assez clair que la bande se réunira ce soir pour boire un coup. On se trouve tout près de l’Espagne, il y a plein d’endroits où faire la fête.
Sandy se lève et s’étire avant de nous souhaiter bonne nuit et d’aller se coucher. Il est complètement déréglé, mais on a l’habitude.
C’est mon heure aussi, pas pour dormir, mais pour finalement aller faire un tour, comme je l’avais prévu. Je n’aime pas trop les matins calmes comme ça. Riley est perdue dans son livre, Sandy va dormir, Violette et Patrick vont sûrement profiter du soleil de juin pour se détendre, et je ne sais pas ce que Luigi et Lara ont prévu, mais je suis certain que ça n’aura rien de bien amusant pour moi. Je crains l’ennui comme les chats craignent l’eau, je sais que l’on n’en meurt pas, mais ça m’angoisse. Je sais m’occuper en restant tranquille, lorsque c’est nécessaire, mais j’évite généralement d’avoir trop de temps pour penser, et ce matin, rien ne me motive. Je pourrais prendre Treize et aller rouler sur les routes sinueuses que j’aime tant, mais on passe notre temps sur nos bécanes, alors quand on s’arrête un jour ou deux, je préfère utiliser un peu mes jambes.
Je commence à m’éloigner quand Violette m’interpelle :
– Tu manges avec nous, ce midi ?
– Oui. Je vais juste faire un tour, je serai de retour sous peu.
– Profite de l’air de la montagne, ça te fera du bien.
Elle me sourit de ce sourire tendre qui m’apaise toujours. Violette sait que, parfois, j’ai juste du mal à respirer. Par moments, ma propre vie m’étouffe. Je traîne mon passé derrière moi et il arrive qu’il m’empêche d’avancer. Cette femme sait tout, plus encore que Sandy. D’une certaine façon, c’est ma meilleure amie, tout en étant plus. Une mère – plutôt une grand-mère –, une confidente… je ne sais pas, mais avec elle, je m’ouvre un peu plus, autant que j’en suis capable. Depuis toujours, je peine à m’ouvrir, et je n’ai jamais vraiment su pourquoi. Ce n’est pas comme si j’avais eu une enfance misérable.
Mes parents n’ont jamais été là, je n’ai aucun souvenir d’eux, mais j’ai eu deux grands-parents formidables qui ont été parfaits avec moi. J’ai grandi avec de l’amour, un toit sur la tête et de bons repas chauds. Ma grand-mère nous a quittés quand j’avais seize ans et mon grand-père l’a rejointe quand j’en ai eu dix-huit. Le soir où j’ai rencontré Sandy, c’était le jour de ses funérailles. J’ai passé mon adolescence à supporter des cons homophobes, à me retenir de les éclater pour ne pas faire honte à mes grands-parents, mais ce jour-là, je n’avais plus aucune raison de me contrôler. J’étais tellement en colère, tellement ravagé par ces années à subir des mots plus idiots que cruels, et je souffrais tant de me retrouver seul, sans famille, que je n’ai pas pu me contenir. Alors, ces types ont pris pour tous les autres.
À partir de ce jour, je suis devenu ami avec Sandy et j’ai trouvé une nouvelle famille : The Lost Souls. Je ne suis pas à plaindre. Je fais le boulot que j’ai toujours rêvé de faire, j’ancre mon art dans la peau des gens pour l’éternité et je laisse une marque presque éternelle en ce monde, moi qui ai si peur de tout voir disparaître avant d’avoir même existé. Je suis entouré de gens merveilleux que j’aime et qui m’aiment, et bien que j’aie perdu mes grands-parents de sang et que je sache que je ne retrouverai jamais mes parents, je ne suis pas seul. Je suis en bonne santé et je veille à le rester. Des tonnes de choses sur cette planète me rendent heureux, que ce soit les livres que je dévore, les paysages que je vois quand je parcours la France sur le dos de Treize ou les échanges passionnants que je vis avec des gens fabuleux. Je n’ai pas à être triste. Pourtant, parfois, des images reviennent à moi. La nuit, je suis rongé par le corps de cet homme qui recouvre l’enfant inconnu qui pleure dans mes songes, par le silence de cette femme qui détourne la tête plutôt que de le regarder en face – quand elle n’est pas horrible et qu’elle ne sourit pas en observant la scène. J’ignore d’où tout cela me vient, mais ça m’empêche de m’endormir le soir. Par moments, cela m’empêche aussi de me lever le matin. J’ai l’impression que ma tête refuse de se vider pour me laisser en paix. Alors, chaque matin, je fume un joint pour dissiper ces images et profiter de ce qu’il y a de beau dans cette vie, et chaque soir, j’en fume un autre pour jouir d’une nuit sans cauchemars.
Violette aimerait que je consulte un psy, moi, je ne veux surtout pas comprendre ce qu’il y a dans ma tête. J’ai bien plus peur de la vérité que de ma réalité actuelle. J’ai passé des années à essayer de trouver mes parents, à essayer de comprendre ce qui clochait chez moi, à tenter de me faire des amis, à tout faire pour plaire aux gens… aujourd’hui, je suis fatigué de tout ça. Je veux juste qu’on me laisse vivre ma vie comme je l’entends. Elle n’est peut-être pas parfaite, mais elle est à moi, et je ne veux plus que quiconque me dise quoi en faire.
– À tout à l’heure, dis-je en partant.
– Reviens-moi vite, mon chou, plaisante Luigi.
– J’espère que tes gambettes seront contentes que tu leur accordes un peu d’attention, ajoute Lara.
– Vous allez le laisser tranquille ?
– Sans indulgence, il n’est point d’amitié.
Je souris parce que c’est pour ça que je vis, pour Luigi qui garde son visage sérieux quand il fait semblant de me draguer, pour Lara qui me charrie dès qu’elle le peut, pour Violette qui prend toujours ma défense et pour Pat’ qui ne parle presque qu’en dictons. Je vis pour Sandy et toutes ses aventures sans lendemain, et pour la douce voix de Riley. Je vis pour toutes ces personnes qui sont en fait ma vie.
Je ne suis pas malheureux. J’ai tout ce qu’un homme peut rêver d’avoir. Mon passé me hante parfois, ma tête divague par moments et je ne suis pas toujours en accord avec mon cœur, mais j’ai plus que la plupart des gens en ce monde. Je suis chanceux. C’est en tout cas ce que je me répète chaque jour pour ne pas sombrer.
Si j’avais le temps, j’irais en montagne pour me dégourdir les jambes, mais je n’ai qu’une heure ou deux devant moi et je ne peux pas trop m’éloigner. Je décide d’emprunter les petites rues du village pour remonter ensuite jusqu’à une sorte de parc où passe le Carol, une très jolie rivière qui se fige parfois en hiver. Il y a peu de monde par ici, juste quelques coureurs et parfois des familles, mais ce ne sont pas les vacances, ni en France ni en Espagne, alors je sais que je vais être tranquille.
Je remonte les chemins à un rythme lent, laissant mon regard se perdre dans le ciel, puis sur la rivière. J’adore cet endroit. Il est calme et apaisant. Je m’y sens bien. Je l’ai découvert la dernière fois qu’on est passés par Latour-de-Carol et j’ai tellement aimé que je n’ai même pas voulu en parler aux autres. Je ne veux pas qu’ils viennent avec moi, Sandy est trop bruyant, il en gâcherait la beauté.
Je souris en pensant à mon meilleur ami. J’ai beau le critiquer, ça ne change rien à l’affection que j’ai pour lui.
Quand je reporte mon attention sur la rivière, je vois une silhouette imposante et brune accrochée d’un bras à une branche et debout sur un rocher, dans un équilibre précaire. Je me fige, incapable d’en croire mes yeux. C’est un homme, ça, j’en suis presque certain, mais qu’est-ce qu’il fabrique ?
Je le vois alors avancer et j’écarquille les yeux. S’il continue comme ça, il va tomber. Je ne sais pas si le courant est très fort et il a l’air assez planté pour réussir à tenir accroché à ces grosses pierres, mais quand même.
Les mains dans les poches, je m’approche de cette scène ahurissante au moment où l’homme se penche pour attraper… une feuille de papier ? À quoi est-ce qu’il joue ? Cette scène n’a aucun sens.
– Besoin d’aide ?
Ma voix le surprend, il tente de se retourner, se déséquilibrant un peu plus, et finalement, il tombe dans l’eau. Je me précipite vers lui, avançant à mon tour sur les rochers, prudemment. Je suis soulagé quand je vois ses bras accrochés à la pierre où je viens de poser mes pieds et quand, d’un coup, il sort la tête de l’eau.
Je m’accroupis pour l’aider, mais lorsqu’il ouvre les yeux, aucun mot ne parvient à sortir de ma bouche et je n’arrive plus à bouger. Je ne suis qu’à quelques centimètres de lui et je me retrouve paralysé. Ce que je ressens, là, je ne sais pas si je peux le décrire. Jamais avant je n’ai vu des yeux d’un tel bleu, plus proche du lagon que du ciel ou de l’océan. Ils sont si profonds que j’ai l’impression de m’y noyer, c’est irréel. J’ignore si c’est leur couleur ou tout ce que j’ai l’impression de lire à l’intérieur, alors même que j’ignore ce qu’ils cachent, mais mon cœur se serre et ma respiration se coupe. Ça ne dure que quelques secondes, peut-être même moins, et en un rien de temps, tout repart. C’est quelque chose d’indescriptible, je n’avais jamais ressenti ça avant. J’ai soudain envie de prendre du papier et des crayons pour dessiner quelque chose, mieux, j’ai besoin de mon matériel pour tatouer quelqu’un, n’importe qui. Je me sens terriblement inspiré.
– Français ? demande soudain l’homme, d’une voix grave et chaude.
– Ouais.
Il y a autant de Français que de Catalans, ici, alors je comprends pourquoi il pose la question. Mais si je la comprends, je n’y réponds que par automatisme. J’ai du mal à revenir dans le monde réel, je me sens comme transporté ailleurs. Ce n’est pas cet homme dont je ne sais rien – je ne tombe pas si facilement sous le charme de quelqu’un –, ce sont ses yeux qui me font cet effet. Ils me font tourner la tête. Il y a des choses qui sont illégales et ne le devraient pas, comme le cannabis, et d’autres qui sont autorisées et devraient être interdites, comme son regard. Des yeux qui font planter tout un système humain, ça ne devrait pas être permis. Et en même temps, j’aime tellement l’inspiration qu’ils ont fait naître en moi que je suis bien content qu’ils existent.
J’essaye de reprendre contenance malgré tout. Je recule vers l’autre rocher pour que l’homme puisse se hisser sur celui dont il est tombé, et je le vois ensuite regarder au loin et soupirer en se frottant la tête.
– Tant pis.
– Qu’est-ce que vous faisiez ? parviens-je finalement à demander.
– Mes feuilles se sont envolées, j’ai essayé de les récupérer.
– Des feuilles d’ordinateur ? Pour écrire, vous voulez dire ?
Il hoche la tête.
– C’était important ?
– Les premiers mots de mon manuscrit. Je suis écrivain, précise-t-il.
– Quel écrivain du vingt et unième siècle écrit encore sur du papier ? m’étonné-je.
– Moi, il faut croire.
Il rit, en dépit de ma remarque déplacée. Qui suis-je pour juger, franchement ? Je ne connais rien au métier et ce n’est pas parce que la technologie a évolué qu’on doit tous aller au même rythme.
L’homme soupire une dernière fois en regardant le courant de la rivière, puis il tente de regagner le bord. Je suis tellement perdu dans mes réflexions que je ne réalise pas ce qu’il veut faire et je reste planté où je suis, oubliant de le précéder. Il se retrouve juste devant moi et je manque de tomber à mon tour, mais il m’attrape par le bras avant que je ne me ridiculise.
– Inutile qu’on soit deux à se mouiller, dit-il en riant.
Je retrouve difficilement l’équilibre, mais quand j’y parviens, je me tourne finalement pour regagner la terre ferme. Il me suit, et quand il va vers la table en bois qui se trouve juste à côté, je découvre d’autres feuilles – bloquées par une pierre, cette fois – et un stylo. Il y a deux livres à côté, mais rien de plus.
Il tire sur un morceau de papier et retire le bouchon de sa plume. Il ne s’assied pas, mais je le vois écrire à la hâte, oubliant totalement ma présence ou le fait qu’il est trempé de la tête aux pieds. Il gratte le papier encore et encore. Je ne sais pas combien de temps cela dure et je ne sais pas non plus pourquoi je reste là alors qu’il a l’air de m’avoir complètement oublié.
Finalement, il cesse de noircir sa page et se redresse, en faisant craquer son dos.
– Désolé, il fallait que je note ce dont je me souvenais avant de faire quoi que ce soit, ça me bouffait. Mes personnages sont envahissants, ils parlent trop et je finis toujours par oublier des choses.
Les écrivains sont un mystère pour moi, ils sont les artistes que je comprends le moins bien. Je ne saisis pas comment ils peuvent supporter leur art. J’ai l’impression qu’ils sont plusieurs dans leur tête et qu’il y a juste beaucoup trop de choses dans leur esprit pour qu’ils puissent y survivre. Quand on peint, une fois la toile finie, elle est terminée, mais un auteur semble ne jamais quitter ses personnages, il pourrait sûrement écrire indéfiniment dessus. Chaque livre a ses protagonistes et chaque auteur écrit plusieurs livres ; combien de gens vivent à l’intérieur de la tête d’un écrivain ? Comment fait-il pour cohabiter avec eux ? Ça doit être épuisant.
– Seven.
– Pardon ?
Seven, sept ? Est-ce que j’ai prononcé ma question à voix haute ?
– Je m’appelle Seven, dit-il en me tendant la main.
Quel idiot je fais.
Je lui serre la main en retour.
– Moi, c’est Clément.
– Enchanté.
Je suis de nouveau confronté à ses yeux, mais aussi à son sourire, et je réalise qu’il n’y a pas que son regard qui est plaisant, son visage entier l’est, son corps tout autant. J’aime la façon dont il serre mes doigts, la chaleur de sa main dans la mienne, et plus que tout, j’aime ce que je ressens quand il me regarde. Je ne peux nier que cet homme me plaît. Je n’ai pas de type de mecs, je ne dirais donc pas qu’il est mon genre, mais il dégage quelque chose d’attractif. Il est apaisant, et en même temps, il a le parfum du risque. Je ne m’explique pas ce sentiment, mais j’aime assez ça. C’est excitant, tout comme le danger l’est quand je vais à toute vitesse sur le dos de Treize. Parfois, je me demande si je suis bizarre d’aimer cette sensation, puis je me souviens qu’il y a des gens pires que moi, tels que Sandy, et ça me rassure un peu.
Un aboiement se fait entendre. Seven relâche ma main et se retourne vers la table. Une boule de poils blanche sort de dessous.
– C’est maintenant que tu te réveilles, toi ? T’aurais pu venir m’aider !
Le chiot avance vers nous et je m’accroupis. Je sais qu’il est préférable de demander à son propriétaire si je peux le caresser, on ne sait jamais quelle réaction peut avoir un animal, mais je n’ai pas pu m’en empêcher. J’adore les animaux et celui-ci vient vers moi en remuant joyeusement la queue.
– Salut, toi ! C’est quoi ton petit nom ?
Je caresse l’animal, et quand Seven reste silencieux, je lève la tête vers lui. Il a une main sur son visage et secoue la tête.
– Promets que tu ne te moqueras pas.
D’un coup, on passe au tutoiement. Lui et moi ne devons pas avoir beaucoup d’années d’écart après tout. Je trouve ça assez naturel, cela ne me choque pas.
– Me moquer de quoi ?
– De son nom.
– Je ne peux pas te le promettre. Je suis du genre à tenir mes promesses, alors je ne vais pas prendre le risque, dis-je en souriant.
Mon interlocuteur sourit à son tour, mais la gêne perdure, je le vois sur son visage.
– Il s’appelle Nine.
Nine, neuf. Je l’avoue, j’ai terriblement envie de rire, mais je me contente de sourire.
– J’en étais sûr !
– Je me retiens ! dis-je en riant très légèrement. Mais tu cherches, aussi !
– C’était le neuvième de la portée et c’était un miracle qu’il survive, il est né le neuvième jour du mois et… j’ai trouvé que c’était mignon, se défend-il.
– Seven, Nine… Tu as un truc avec les chiffres.
– Je n’ai pas choisi mon prénom.
– Quand même, c’est étonnant pour un écrivain. Est-ce que tu ne devrais pas préférer les mots ?
– Ça reste des mots.
– C’est vrai… Eh bien, tu aimerais ma moto.
– Tu fais de la moto ? C’est cool ! Attends, pourquoi j’aimerais ta moto ?
Il semble tellement intéressé que je ne peux m’empêcher de sourire un peu plus. La discussion est fluide, naturelle, et dans un monde où communiquer avec les autres membres de mon espèce est devenu compliqué, je ne peux que jouir de cette rencontre.
– Oui, je fais de la moto, c’est ce qui m’a amené ici. Je suis avec un groupe d’amis, on parcourt la France et on s’est arrêtés à Latour jusqu’à demain après-midi.
– Alors tu n’es pas d’ici ? Moi non plus.
– Tu es en vacances ?
– Plutôt en quête d’inspiration, dit-il en me montrant la table d’un geste de la tête. Je travaille sur mon prochain livre. Mais ne changeons pas de sujet, pourquoi j’aimerais ta moto ?
– Elle s’appelle Treize.
Son visage se fige de surprise, puis soudain, il se met à rire. C’est un rire franc et pur qui crée de petites rides sur le côté de ses yeux. J’adore ça. Le son résonne dans ma tête, dans mon cœur et dans tout mon corps. Je me sens électrisé et je ne me souviens pas avoir ressenti pareil sentiment depuis longtemps… Je ne crois pas aux coups de foudre, mais si je ne pense pas qu’on puisse aimer au premier regard, je suis convaincu qu’on peut être séduit en quelques minutes.
– On était faits pour se rencontrer, non ? demande-t-il, quand il s’est enfin calmé.
Un doux sourire barre son visage et je ne peux que faire de mes lèvres un reflet des siennes.
Mon téléphone sonne hélas dans ma poche et brise ce moment plaisant. Quand je le sors, le nom de Lara s’affiche sur l’écran et je réalise que je suis parti depuis un moment.
– Je vais devoir y aller, on m’attend pour manger.
– Je comprends.
Il s’avance vers la table alors que je range mon portable, sans avoir répondu à mon amie. Il déchire un bout de papier, écrit quelque chose dessus et me le tend.
– Mon numéro de téléphone, dit-il.
– Je dois t’appeler ?
– Si tu en as envie. Je reste ici quelques jours encore, peut-être qu’on pourra se revoir avant que tu partes ?
Il se peut que je comprenne mal, que j’interprète maladroitement les signes, mais ce sourire, ce numéro qu’il me tend… tout me donne l’impression qu’il me propose de nous revoir pour plus. Il y a des hommes assez étranges pour que je me trompe sur leurs intentions, mais Seven me semble assez clair et il l’est encore plus quand je pose mes doigts sur le morceau de papier qu’il ne lâche pas immédiatement.
– C’est une rencontre du destin, il y a trop de signes pour que je n’y croie pas. Qualifie-moi de rêveur, ce serait un compliment pour n’importe quel auteur, mais j’y crois. Sept, neuf, treize, on est deux et tu es le premier homme pour qui je sacrifie trois lignes de mon travail afin d’avoir une chance de le revoir.
Je regarde le papier et découvre par transparence qu’il y a effectivement des phrases, écrites de sa main, si j’en crois ses dires.
Mon cœur s’emballe, mes doigts contre les siens brûlent, et quand sa voix s’éteint, elle semble résonner encore à l’intérieur de moi.
– J’espère te revoir, conclut-il.
Je me contente de hocher la tête. Je n’ai pas son aisance avec les mots. Je serais bien incapable de le charmer en quelques phrases, comme il vient de le faire avec moi. Je ne suis pas avare de paroles non plus, c’est juste que je ne trouve pas toujours comment dire exactement ce que je ressens. Cela n’empêche pas Seven de continuer à me sourire. Il a confiance en lui ou il sait exactement ce que mes silences veulent dire, je l’ignore, mais il n’est pas inquiet. Pour lui, nous nous reverrons. Et moi, j’espère vraiment qu’il a raison. J’ai envie de le revoir. Pour une heure, pour deux nuits ou pour trois instants, je m’en moque, je le veux. J’ai envie qu’il me raconte son histoire, qu’on s’envoie en l’air comme des bêtes ou qu’il se contente de me regarder en silence. Tout m’irait, je crois.
C’est la première fois que je me sens plonger pour quelqu’un ou quelque chose aussi vite. J’ai le sentiment que Seven pourrait devenir une drogue pour moi si je lui en laissais la chance, et je ne sais pas si je suis plus excité ou plus flippé, mais je suis certain d’une chose : j’ai envie de devenir un camé.
*
* *
– Je commençais à m’inquiéter ! crie Lara quand j’arrive.
– Elle commençait surtout à avoir faim, corrige Luigi.
Je le sais, cette femme ne plaisante pas avec l’heure du repas. Je ne comprends pas comment elle réussit à garder la ligne en mangeant autant. Elle fait du sport, et pas uniquement de la moto, le free fight1 est très physique, mais elle ne le pratique pas en professionnel puisque c’est une discipline interdite en France2, alors même comme ça, je trouve que c’est surprenant qu’elle reste aussi mince…
– T’avais qu’à commencer à manger.
– Violette m’a interdit de toucher à quoi que ce soit !
La doyenne du groupe soupire devant les jérémiades de Lara.
– Viens t’asseoir, me dit-elle en tapotant la place à côté d’elle.
Je me glisse entre Lara et elle, le sourire aux lèvres. Pat’, notre gros nounours, sort du mobil home avec un tablier rose autour de la taille et je n’arrive pas à savoir si j’ai envie de rire ou si je le trouve trop mignon. Ça ne va pas du tout avec son air toujours si sérieux et son physique de loubard, et en même temps, c’est en parfait accord avec son cœur tendre.
– Tu es A-DO-RABLE ! dit Lara, en souriant.
Elle se moque, je le sais et Pat’ le sait.
– Tel qui se moque de vous a aussi son ridicule.
– C’est certain, mon Patrick, mais je préfère mon ridicule au tien.
– Moi, je te trouve très mignon, dit Riley.
Patrick lui offre un petit sourire, à peine perceptible. Au même moment, Sandy arrive derrière lui en se frottant les yeux. L’appel de son estomac semble avoir été plus fort que son besoin de dormir.
Il s’arrête à côté de notre ami irlandais. Il le regarde des pieds à la tête et le géant le fixe en retour.
– Tu es très sexy.
Le problème, c’est que Sandy est sérieux.
Cela a le mérite de tous nous faire rire.
J’aime cette bande d’âmes paumées, j’aime les montagnes qui nous entourent et le ciel qui nous couvre, et j’aime sentir le papier contre mes doigts alors que ma main ne quitte pas ma poche.
Ce numéro de téléphone, cette promesse de quelque chose en plus, cela me rend très heureux.
Je me sens juste terriblement bien.